vendredi 24 mars 2006

Google, the Portal Strategy

Google : the Portal Strategy!

Préambule
Info ou intox ?
Google, une entreprise « qui en sait plus sur vous »
Au cœur de la stratégie...
L'univers Google...
100% fichés
Le client est ROI

[MàJ - Dimanche 16 juillet 2006] Suite de l'aventure...

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Préambule

Il ne se passe pas un jour (très rarement plus) sans que l’Internet n’annonce quelque événement ayant trait à Google : nouveaux produits, nouvelles acquisitions, nouveaux procès, nouveaux records, nouveaux scoops, nouvelles - vraies ou fausses - rumeurs (voici la dernière, en date d'hier, à tester) etc., autant de morceaux d’un gigantesque puzzle défait. L'important c'est d'alimenter le buzz...

Jusqu’à présent ma perception de Google était celle-ci : même en disposant de tous ces morceaux dans le désordre, j’étais incapable de composer le puzzle, faute d’une vision d’ensemble (qui n’existe probablement que dans les cerveaux de MM. Larry Page et Sergey Brin...).

Une perception qu’ont radicalement changée les notes de la présentation 2006 aux analystes financiers, puisqu’elle nous offre enfin le cadre global de la « stratégie Google  », détaillée par les plus hautes instances de la firme.

Comment définir cette stratégie, censée servir la « mission de Google », qui consiste, selon les mots et concepts mêmes choisis par la firme, à :
organiser l’information mondiale – toute l’information, et pas seulement une partie – et faire en sorte qu’elle soit universellement accessible et utilisable, dans toutes les langues, tous les pays, et sur tous les supports, en ligne et hors ligne : Internet, téléphonie mobile, presse, édition, vidéo, photo, cinéma, télévision, radio, affichage, annuaires papier, etc., la liste est loin d’être exhaustive...
Une mission qui n’est pas nouvelle, certes, puisque confirmée et réaffirmée dès la première présentation de l’histoire de Google aux analystes financiers, tenue le 9 février 2005.


Dans un article publié le lendemain sur le blog de SearchEngineWatch.com, intitulé « Things We Learned From Google's Analyst Day », Gary Price rapportait cette petite phrase d’Eric Schmidt :

« We are moving to a Google that knows more about you. »
Donc, un an plus tard, les « Quelques enseignements tirés de la présentation de Google aux analystes financiers » sont ceux que m’a inspirés la découverte de ces « notes », et, d’une année sur l’autre, ils montrent bien la continuité de cette « évolution » de Google vers « une entreprise qui en sait plus sur vous ».

Les propos qui suivent n’appartiennent qu’à moi et j’en assume l’entière responsabilité.
[Début]

[MàJ au 30 mars] La question de savoir si, oui ou non, « Google est un portail » est dans l'air du temps, puisque Danny Sullivan lui-même vient d'écrire un article intitulé « The Google Portal » !

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Info ou Intox ?

Dans les réactions diverses aux billets que j’ai consacrés à cette histoire, depuis le « scoop manqué sur GDrive » à la présentation d’Eric Schmidt, en passant par les trois derniers, intitulés The Definitive Strategy I, II et III – (ainsi titrés pour une raison simple : même si les moyens peuvent varier à l’infini, la fin ne change pas, clairement posée et proclamée une fois pour toutes…), j’ai lu ici et là différentes appréciations sur un éventuel « coup monté » par Google pour générer un peu de buzz…
Ma conviction est qu’il s’agit bien d’une fuite, involontaire, et, chose encore plus étonnante et incompréhensible, au mieux considérablement minimisée, au pire totalement passée sous silence !

[Début]
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Google, une entreprise « qui en sait plus sur vous »


Donc, dans sa volonté sans faille d’organiser l’information mondiale pour faire en sorte qu’elle soit universellement accessible et utilisable (monnayable serait le terme plus approprié…), Google ne perd jamais une occasion de rappeler et préciser que toute l’ « information mondiale » comprend AUSSI les informations personnelles :
- « All the world's information includes personal information », E. Schmidt dixit.
- « Remember, our goal is to organize the world's information and make it universally useful and accessible, and "the world's information" certainly includes almost anything you might wish to contribute. », FAQ de Google Base.
Le 25 janvier 2006, un article intitulé « 77% des internautes ne savent pas ce que Google sait sur eux », signé par la rédaction de Silicon.fr, précisait que « le géant du Web, qui d'ailleurs ne s'en cache pas, enregistre l'adresse IP de ses visiteurs et installe un cookie qui expire en... 2038 », en expliquant « que ces cookies sont utilisés pour "améliorer la qualité des services et pour mieux comprendre comment les utilisateurs interagissent".  »

Par conséquent, chaque fois que vous faites une recherche, Google peut très facilement y associer votre adresse IP et le cookie qui vous est assigné, et reconstituer ainsi toutes vos recherches en mémorisant vos requêtes, vos parcours, les pages et les sites Web que vous visitez, établir l’historique des sites Google (ou Blogger) que vous visitez par les liens référents, etc.
A contrario, à partir d’une liste de termes, Google peut aussi générer une liste de gens ayant cherché ces termes en se basant sur les adresses IP et les cookies correspondants.

Serait-ce de l’Internet Fiction ? Non, c’est confirmé par Steve Langdon, porte-parole de Google...

Or que cherchez-vous sur Internet, si ce n’est tout ce qui vous intéresse, au plan professionnel et... personnel, tout et son contraire : de ce qui vous plaît et dont vous avez horreur à qui vous aimez ou détestez en passant par vos passions (in)avouables, etc. ! ?

Mais la recherche n’est qu’un des nœuds de la toile ourdie autour de vous jour après jour, avec constance et patience. Patience et longueur de temps... [Début]

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Au cœur de la stratégie tissée par Google se trouve GMail et son corollaire, le compte Google, qui offre une entrée unique à différents services Google. Pour donner une idée de la largeur et de la profondeur des services et fonctionnalités qu’offre Google, citons-en brièvement quelques-un(e)s :
  • La barre d’outils Google intégrable à votre navigateur préféré, véritable facilitateur de vos recherches, grâce à laquelle « Google peut collecter des informations sur les pages Web que vous consultez si des fonctions avancées telles que l'affichage PageRank, le vérificateur orthographique et le traducteur mot à mot sont activées. »
  • La barre de bureau Google, associée à Google Desktop, votre moteur de recherche local signé Google, qui abolit les frontières entre « Web public » et « Web intime »...
À propos de GDS, qui propose pour « toutes vos informations, un emplacement unique », d’où accéder facilement « aux informations stockées sur votre ordinateur et à celles disponibles sur le Web », notons que la version 3 désormais téléchargeable « permet désormais de rechercher, en toute sécurité, des documents et des pages Web que vous avez consultés sur l’un de vos ordinateurs, à partir de n’importe quel autre poste, grâce à votre compte Google. », une « mini-révolution » fort bien analysée par Olivier Ertzscheid, qui observe en commentaire : « N’oublions pas que la plupart des gens n'ont pas conscience des risque d'atteinte à leur vie privée que représentent de tels outils. »
  • Web Accelerator, un applicatif destiné à accélérer la navigation en prémémorisant les pages pour les visualiser plus rapidement, qui crée sur votre ordinateur un espace cache dédié (distinct du cache de votre navigateur) où précharger les pages censées vous intéresser selon différentes stratégies.
Très pratique en apparence, ce que Google oublie de préciser, c’est que ce logiciel est également associé à un brevet intitulé « Accelerating user interfaces by predicting user actions », développé pour anticiper les actions de l'utilisateur, notamment en traquant « les mouvements de la souris, à défaut de pouvoir tracker les mouvements des yeux de l'internaute », un dispositif qui pourrait très bien être intégré à l'application téléchargeable, mais aussi à la barre d'outil de Google, à Google Desktop, etc. (Source : Turulillo).
  • Les Alertes Google, déclinées en Alertes Actualités, Web, Actualités & Web et Groupes, ou comment traquer les sujets qui vous intéressent, de façon permanente ou ponctuelle.
  • Les Groupes Google, qui rassemblent près de 55 000 groupes de discussion et les archives Usenet (achetées par Google en 2001) sur « tous les sujets imaginables »...
  • Puisqu’on parle de discussions, en plus de pouvoir dialoguer avec d’autres applications IM de tierces parties (AOL, entre autres), Google Talk intègre maintenant la messagerie instantanée : texte, voix sur IP, et bientôt vidéoconférence.
Par ailleurs, la plupart de ces services et fonctionnalités peuvent être regroupés sur une page d’accueil personnalisée, qui symbolise votre porte d’entrée sur le Web, rubricable et caractérisable à volonté, avec « vos » actus à la une, « vos » recherches (sur le Web, sur votre poste ou réseau local, sur l’annuaire Google, encore DMOZ, mais pour combien de temps ?), « vos » flux d’infos (éventuellement consultables sur Google Reader), « vos » groupes, « vos » jeux, et probablement bientôt Google Local pour la France, etc. [Début]

* * *

Vous en avez assez ? Non ! Alors vous en voulez d’autres, d’autres fonctions, d’autres solutions et services, d’autres outils (y compris des extensions pour Firefox, merci Olivier Aubert), sans oublier les photos, la musique, les vidéos, la téléphonie, etc., etc.
Et même la traduction, comme ça je peux affirmer, pince sans rire, que Google me fait de la concurrence, voire de l’ombre ;-)
Heureusement pour moi, il lui reste des progrès à faire...


Ainsi il y a les produits et services qu’on nous livre, ceux qu’on devine (GDrive, CL2), et ceux dont on ne sait encore rien (TeraGoogle, MBD), ou presque (Lighthouse), et puis encore les blogs (notamment Blogger for Word), les tags (en français), les pages Web et le traitement de texte, la finance, sans compter les projets en gésine et les études du Google Labs, les catalogues ou les ambitions affichées dans la géolocalisation (largeur) et la géorecherche (profondeur), avec Google Maps, Earth, Moon, Mars et tout l'univers Google à venir :

(source : the Googlist Blog) puisque les noms sont déjà réservés par Google « Registrar », probablement le seul de tout l’Internet à n’avoir jamais vendu un seul nom de domaine, ce qui ne l’empêche pas de faire du business pour autant...
La face cachée, c’est que Google, en tant que centre d’enregistrement agréé par l'ICANN, a un accès préférentiel au WhoIs et peut ainsi connaître toutes les informations réservées sur les noms de domaine que vous « possédez »...


En attendant, Google innove en vous proposant de créer autant de courriels que vous le souhaitez sur votre ou vos nom(s) de domaine, et en gérant tout ça depuis le panneau de contrôle de GMail !… (source : le Blog de Benoit Dausse)

Enfin, il y a les réseaux sociaux, horizontaux (largeur), avec Orkut, et verticaux (profondeur), avec la téléphonie mobile

pour l'instant disponible dans 22 villes américaines, et le foot, avec Joga, en coopération avec Nike. Là on assiste clairement à une montée en puissance du concept de verticalisation prôné tous azimuts par Google : après l'échec relatif d'Orkut, réseau peu fréquenté sauf au Brésil, Google a beau jeu de décliner cette version en 14 langues quelques semaines avant la coupe du monde, ça pourrait faire un tabac. À juger à l'usage...

Il est d'ailleurs à prévoir que d’autres initiatives de ce genre verront le jour pour « verticaliser » toujours davantage le concept des sites communautaires, au gré des occasions et des collaborations...

Last but not least, on en arrive au petit dernier, qui mérite une attention toute spéciale : Google Base !
À ne confondre ni avec Froogle ni avec Google Store...
D'après moi, Google Base est au cœur de la stratégie de la firme à long terme, si je m'en tiens à deux allusions faites par Eric Schmidt dans ses notes, la première implicite, la seconde explicite :
- « élargir rapidement notre base produits par différentes actions : prendre en charge de nouveaux formats publicitaires / cibler d'autres types de médias / développer des propriétés spécifiques au leader du marché / la « touche Google », et des applications orientées consommacteurs »
- « veiller à ne pas être supplantés auprès des consommateurs par nos concurrents - eBay, Amazon, Yahoo, dans leur tentative de devenir des points d'accès uniques pour l'ensemble du cycle d'achat : en fournissant à Google davantage d'informations sur les produits (via Google Base, par exemple) »
Mais de quoi parle-t-on ? Contrairement à ce que j'ai lu ici ou , je ne pense pas qu'il s'agisse uniquement d'un système comme eBay, mais de quelque chose de bien plus innovant, d'une envergure encore plus large, d'une portée encore plus profonde, du genre tableau d'affichage planétaire.
Après avoir fouillé un peu, j'y ai même déniché des offres de traduction pré-conditionnées, et je dois dire qu'en 20 ans de métier j'avais encore jamais vu ça ! Alors que voulez-vous, je n'ai pas pu m'empêcher de plonger moi aussi dans la mêlée et de jouer des coudes :-)


Quoi qu'il en soit, Google commence à remonter les annonces de Google Base aux premières places de ses pages de résultats (SERPs pour les intimes). Voir ici, , et encore, ce qui ne laisse pas de générer quelques perplexités chez les observateurs.

Et pour conclure en beauté, à quand Google Wallet GPay, le système de micropaiement signé Google, puisque, selon Schmidt lui-même, la mise en place d'un tel dispositif serait la première exigence manifestée par les utilisateurs de Google Base (That's a good user request. Our first Google Base Customer).

Donc, après cette longue tentative de récapitulatif (comment pourrais-je épuiser un tel sujet ?), quand je vous disais au début du billet qu'il ne se passe pas un jour sans que l’Internet n’annonce quelque événement ayant trait à Google, voici la dernière info, toute fraîche : le 31 mars, Google entrera dans les valeurs du Standard & Poor's 500, indice de référence des gérants de fonds aux États-Unis (à la place de Burlington Resources, qui passe sous le contrôle de ConocoPhillips, précision pour les accros). En à peine moins de 10 ans, qui dit mieux ?

Or en fin de compte, comment définir Google, un simple moteur de recherche, un simple portail ? Même l'appellation de portail me semble réductrice  ! À moins que Google ne devienne « LE PORTAIL » :-)

Google, l'entreprise « qui en sait plus sur vous » ... que vous-même ! [Début]

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100% fichés

De la fiche au fichier, il n’y a que le support qui change, pas le concept. Mais on y gagne en efficacité, et comment !

Maintenant que Google est devenu une formidable machine de guerre (même Léonard de Vinci pouvait pas prévoir) et dispose d'un arsenal unique en son genre (voir le point précédent), dans son ambition démesurée d'organiser toute l'information mondiale et mégalomaniaque de stocker sans limites l'intégralité des données des utilisateurs, et dans le contexte multiproduits et multiservices évoqué ci-dessus, il n'y a qu'un pas pour que Google fasse figure de « serial Profiler » !

Car dès lors que Google peut disposer de « toutes » les données utilisateur – explicites et implicites –, dont nous rappellerons ici, pour mémoire (liste non exhaustive) :
courriels (de vos contacts à la teneur des messages), listes de discussion auxquelles vous êtes abonnés (publiques ou privées), forums (publics ou privés) et groupes ou réseaux sociaux (personnels ou professionnels) que vous fréquentez, fils d’actualité et autres que vous suivez, sujets sur lesquels vous souhaitez être informés en priorité, qui vous préoccupent, etc., fichiers « de famille » (photos, vidéos, lettres, etc.), et/ou « confidentiels » (renseignements sensibles, lettres d’affaires, documents légaux), autres données personnelles sur vos finances (comptes bancaires, cartes de crédit, portefeuilles, etc.), votre santé, vos habitudes d’achat, vos goûts, tout ce que vous cherchez sur Internet, les images, les favoris, les pages et sites que vous visitez, le nombre de visiteurs qui fréquentent vos sites et les pages sur lesquels vous hébergez des annonces Google, tous vos historiques Web pendant des mois, des années…


Dès lors, donc, que ces données seront potentiellement accessibles « depuis n'importe quelle application ou plate-forme », autrement dit au monde entier !, et que Google les connaîtra, soit parce que nous les lui aurons communiquées explicitement, soit parce qu’il les aura déterminées implicitement (par des études comportementales, des analyses statistiques ou autres…), quid de notre espace personnel, comment pourrons-nous préserver notre sphère privative, la question est posée.

À la décharge de l’entreprise, observons au passage que, pour tous les services et produits que Google propose, la firme avertit toujours ses utilisateurs, visiblement et sans aucune ambiguïté, quant au traitement de leurs « informations personnelles » : pour celles et ceux qui souhaitent être rassurés, consulter la version complète de la Charte de confidentialité de Google

Mais enfin, ces avertissements n’empêche(ro)nt certainement pas Google de procéder à un profilage dynamique et permanent de ses utilisateurs, de tracer pour chacun(e) le profil psychologique, sociologique, comportemental et ainsi de suite, d’analyser centres d’intérêts (en positif et en négatif), goûts, habitudes d’achat, motivations du passage à l’acte, etc., etc.

Et si Google met gratuitement à la disposition du public Google Analytics afin d’améliorer l’expérience utilisateur (vous pouvez mieux analyser la fréquentation et les rouages de vos sites, donc vous comprenez mieux comment réagir et ajuster et, donc, in fine, vous dépensez mieux et plus en publicité. CQFD !), je ne doute pas un seul instant que Google utilise d’autres produits que le sien pour décortiquer nos comportements sur le Web, en disposant à mon avis d’équipes hyperspécialisées, dotées d’outils hypersophistiqués qu’on ne conçoit même pas…

Imaginons un instant que chaque terrien ait son ordinateur et un accès à l'Internet ! Aujourd'hui nous sommes plus ou moins 7 milliards, or Google indexe déjà plus de 9 milliards de documents, soit une moyenne inférieure à un document par personne. Un simple fichier retraçant toute notre vie, du premier au dernier jour, en chiffres, courbes, statistiques, analyses, etc., en une formule : « 100% des données utilisateur »...

Et tout ça tiendrait à l'aise sur un seul ordinateur ;-) [Début]

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Le client est ROI…

Donc, pour terminer, depuis presque un mois que je me retrouve plongé (de façon tout à fait fortuite) dans une analyse approfondie de l'entreprise Google, la conviction que je me suis forgée est celle-ci :
Google a besoin de se débarrasser de l'image perçue par le grand public : celle d'un « simple » moteur de recherche, et de se diversifier pour devenir le « point d'accès unique » B2A (Business to All) du grand public, et si possible le point d'entrée préféré, d'où catalyser et vers lequel faire confluer la masse des utilisateurs, qui devront ainsi devenir, toujours plus, Google-addicted...
Devenir Google-addicted, pour rester terre-à-terre, ça veut dire essentiellement passer le maximum de temps et dépenser le maximum d'argent dans la galaxie Google... Ou tout au moins en faire gagner le plus possible à Google, d'une manière ou d'une autre. D'ailleurs, c'est son but affiché, l'entreprise le dit, l'entreprise le fait, et elle ne s'en cache pas !

Par conséquent dans cette logique, à terme plus ou moins rapproché, la prochaine étape consistera très probablement à s’éloigner de la catégorisation des annonces pour passer à leur individualisation. En bref :

fini les AdSenses ciblés, vive les AdSenses personnalisés !

Une (r)évolution qui me semble inéluctable, vu les ambitions affichées par Google : à partir du moment où la firme possède une énorme quantité d’informations sur vous et peut en extraire un profilage systématique et significatif, qu’est-ce qui l'empêchera de vous proposer des AdSenses en fonction de vos préférences ?

Concrètement, cela signifie que deux internautes faisant la même recherche sur le même Data Center de Google, à un instant donné, se verront proposer des AdSenses distincts dans les résultats, ciblés sur leurs centres d’intérêts, tous les produits et services destinés a priori à améliorer votre « expérience de navigation », dans le discours bien rodé de Google, servant naturellement à personnaliser les annonces à votre intention, évidemment différentes de celles du voisin.

Avec à plus ou moins long terme aussi, le risque danger que les résultats fournis deviennent de moins en moins neutres, objectifs, et de plus en plus orientés, pilotés, en fonction des intérêts des parties prenantes (voir les résultats de Google Base qui font déjà de l'ombre aux liens sponsorisés...). Car jusqu'à preuve du contraire, nous devons bien comprendre (et donc, ne pas confondre) qu’un moteur de recherches n’est pas un service public mais une entreprise privée, et commerciale, d’où les inévitables pressions pour « monétiser » ses produits et services et constamment améliorer le fameux ROI… Ça semble couler de source, mais le rappel n’est pas inutile  ! [Début]

* * *
Lorsque j'ai commencé cette série de billets, j'ai inséré comme par jeu « Web 3.0 » en tag. Mais au fur et à mesure, je m'aperçois que le concept de Web 3.0 n'est pas si idiot que ça, puisqu'il représente sans aucun doute l’intégration encore et toujours plus étroite entre :
  • l’Internet et la téléphonie, d’une part ;
  • la sphère publique et la sphère privée,
  • la sphère sociale et la sphère familiale,
  • la sphère professionnelle et la sphère personnelle, de l'autre.
L’écueil que Google devra éviter (ou l'erreur stratégique, si erreur il y a), pourrait se situer au niveau d'un excès de « Thought leadership », que les utilisateurs finiraient par percevoir comme une réification (doublée d'une marchandisation) de leur personne, et d'une mainmise inacceptable sur certaines de leurs libertés fondamentales, telles que le droit à s'exprimer, à communiquer ou au respect de la vie privée de chacun et chacune.

Passer d’une vision PC-centric et/ou device-centric à une approche user-centric, comme dit Bill Gates, c'est bien beau, mais encore faut-il que l'individualité ne se retrouve pas noyée dans la masse aux dépens de ses droits les plus élémentaires.

L'utilisateur, l'internaute, le téléphonaute, le consommateur ou le consommacteur, comme on voudra bien le nommer, a encore sa dignité ! [Début]

* * *

Tiens, pour finir sur une note optimiste, je vais conclure en contribuant volontairement avec une donnée personnelle, et apporter ainsi ma pierre à l’édifice informationnel que bâtit Google : j’ai commencé à rédiger ce billet le vendredi 24 mars 2006, date de mes … 49 ans ! Ah, la dernière année des quadras…, j’ai déjà la nostalgie ;-)
Au téléphone, comme je disais à un ami « je vais pas tarder à devenir un vieux con », il m’a répondu « rassure-toi, tu l’es déjà ! » Ça console :-)

Le client est ROI, certes, mais roi de quoi ?...

Jean-Marie Le Ray - mars 2006


P.S. Lire la deuxième partie de mon analyse sur Google :-)

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10 commentaires:

Florian a dit…

Impressionnant, gros travail de recherche.
Je ne suis pas sûr que Google a pour but la traque des individus, je vois cela plutot comme un moyen...

Jean-Marie Le Ray a dit…

Merci Philippe.
Florian, je ne pense pas que la traque soit une fin en soi pour Google, juste un moyen commercial, c'est clair, mais je dis que Google devrait vraiment donner des « garanties agressives » et mettre en place un système de protection des données vraiment blindé, tout au moins pour tenter d'éviter ce genre de dérive, et les autres que je ne connais pas ou à venir, toujours aux aguets.
J-M

Anonyme a dit…

Excellent article Jean-Marie. Quant à la vision d'ensemble beaucoup ne l'ont pas. Ton article est excellent car il est bien documenté et il montre q'un grand nombre de données personnelles sont collectées aujourd'hui. Il est vrai que le client est ROI mais sans client une entreprise privée ne peut pas vivre contrairement à une entreprise étatique ou bénéficiant de subventions. Il est aussi possible d'écrire que le client est roi car une entreprise doit répondre à ses désirs et le servir du mieux possible. Si elle ne le fait pas, si elle ne répond pas correctement aux attentes, les clients s'en vont et l'entreprise coule.

Dans un système libre ce sont donc les citoyens qui décident et non le système qui impose. Dans un système étatique la collecte des informations personnelles permet de mieux surveiller les citoyens. Dans un système libre la collecte des informations personnelles permet de mieux connaître leurs désirs pour mieux les servir. Ce deuxième système est centré sur l'homme. Dans mon article http://www.orvinfait.fr/droite_et_gauche.html j'oppose ce système à celui centrée sur l'argent. Je pense qu'il donne une autre perspective à ton article.

Rom's a dit…

Un point de vue intéressant. Merci pour ce dossier bien construit.

Je suis d'avis avec les 3 avis précédents.

Bonne continuation,

Rom's
Zorgloob

Anonyme a dit…

Bon panorama. Il manque d'ailleurs à l'arsenal Google l'extension Firefox blogger web comments (http://www.google.com/tools/firefox/webcomments/) dont un ami m'a fiérement fait la démonstration récemment. Utile, certes. Mais je lui ai fait la réflexion que pour lui offrir ce service, l'extension doit faire une requête vers Google pour toute URL affichée dans le navigateur. Ca permet donc (un effet de bord innattendu, bien sûr) à Google d'avoir accès à l'intégralité de l'historique de navigation de l'utilisateur. Pour quelques informations de plus...

Jean-Marie Le Ray a dit…

Merci à Serge et Romain pour leur appréciation.
Olivier, merci pour l'info, j'ai ajouté les extensions Firefox à mon billet. Quoi qu'il en soit, le sujet est immense, et il est bien difficile de faire le tour de Google.
J-M

Luc Legay a dit…

Beau travail ! Rassure-toi, tu ne les fais pas tes 49 ans !
Pour ma part j'ai profité de mes 45 ans pour prendre un congé sabbatique qui a commencé cette semaine. Pour me consacrer, devine à quoi ? A un projet Web 2.0... ça devient presque banal. La démarche est notamment motivée par l'arrogance de Google et sa volonté de démontrer : l'information c'est Global Google ! Notre projet c'est l'anti-Google ! Il s'agit de proposer aux utilisateurs un service d'information (et d'échange d'information) basé sur l'individu lui-même, et non plus sur des bases de données d'informations. Plutôt que de masquer derrière des algorithmes secrets la "Google Sauce" du Google Rank... autant que les utilisateurs puissent eux-même procéder au filtrage de l'information entrante selon leur propres critères, géographiques, sociaux, et sémantique... et en toute connaissance de cause ! C'est ce que nous allons proposer avec NewsMe http://NewsMe.org
Et j'espère que j'aurais l'occasion de venir en reparler ici rapidement !

Jean-Marie Le Ray a dit…

@ Luc : « Pour me consacrer, devine à quoi ? A un projet Web 2.0... ça devient presque banal. »

Merci pour le commentaire, j'ai moi-même écrit une réflexion en pur style Web 2.0 en essayant de me projeter vers un avenir... probablement pas si lointain !
J-M

wanwan a dit…

Je pense que Google reste trés exposé à la concurrence. Ils ne sont pas à l'abri d'un algorythme génial qui viendrait ruiner leur business ( 90% du CA est réalisé sur les pubs qui n'ont une valeur que parce que Google est le leader de la recherche online).

On internet the winner takes it all (and kill everyone)
http://wanwan2p.blogspot.com/2010/04/on-internet-winner-takes-it-all-and.html

Sağlık haberleri a dit…

Très bon site. Merci aux contributeurs....