vendredi 29 octobre 2010

Bunga Bunga

Suite : Ubunga-Bunga...

Hier dans la soirée, je reçois un tweet de l'ami François qui me demande des précisions sur le bunga bunga.

Réflexion faite, vu que c'est assez dur à expliquer en 140 caractères, et même en 140 mots, je pense qu'un billet dédié conviendra mieux...


La partie "publique" de l'histoire commence à Milan, le 27 mai dernier, lorsqu'une mineure d'origine marocaine, connue comme Ruby, 17 ans et demi à l'époque, est arrêtée par une patrouille de police. Une brésilienne dont elle avait partagé l'appartement l'avait dénoncée en l'accusant de lui avoir volé des bijoux et de l'argent pour plusieurs milliers d'euros. Accompagnée au poste, sans documents, il apparaît qu'elle s'est échappée de la communauté d'accueil où le Tribunal des mineurs de Messina l'a placée ; elle devrait donc être gardée à vue en attente d'identification. C'est alors que le chef de cabinet de la préfecture de Milan, Pietro Ostuni, directement contacté par la Présidence du Conseil pour s'intéresser de l'affaire, téléphone au bureau de police pour demander la libération immédiate de la jeune fille, sans procéder à la signalétique et sans rédiger de rapport de service.

Avec l'excuse suivante : « C'est la nièce de Hosny Moubarak, le président égyptien ! » (parenthèse linguistique : nièce ou petite-fille, ce n'est pas très clair, car c'est le même mot en italien, nipote, qui a donné en français ... népotisme).

Elle est attendue à la sortie du commissariat par Nicole Minetti, ex-soubrette de la télé, spécialiste de l'hygiène buccale de Berlusconi (je ne plaisante pas, puisqu'elle est présentée comme "igienista dentale del presidente del consiglio"), élue depuis sur les listes (truquées selon le Parti radical, qui a porté la chose devant le Tribunal Administratif Régional, audience prévue le 9 décembre prochain) de Roberto Formigoni, du parti de Berlusconi, président de la Région Lombardie.

Hier, lors d'une conférence de presse, à la question d'un journaliste qui lui demandait confirmation ou infirmation de ce coup de fil pour le moins impromptu, au lieu de démentir, Berlusconi a répondu, textuel :

- « j'ai bon coeur et donc je m'occupe des problèmes des personnes ! » (Io sono una persona di cuore e quindi mi occupo dei problemi delle persone).

Naturellement, quand on voit la personne en question, on comprend mieux son désir ... de l'aider.

Mais comment en est-on arrivé là ? C'est ce que je vais essayer d'expliquer. Car lorsque Ruby raconte qu'elle a fréquenté les fêtes de Villa San Martino à Arcore, la somptueuse demeure de Silvio Berlusconi près de Milan (pratiquement escroquée pour une bouchée de pain à une autre mineure orpheline, pour rester sur l'argument...), où elle aurait pratiqué le "bunga bunga", ou simplement assisté à cette espèce de "rite sexuel propitiatoire", ça jette un froid...

Observons de suite que les "confidences" de Ruby ont d'abord été faites aux assistantes sociales, qui sont évidemment tenues de tout rapporter aux services de police. Et même si la jeune fille se contredit souvent, alternant affirmations et démentis, en mêlant probablement le vrai et le faux (comme lorsqu'elle déclare avoir reçu de l'argent de Berlusconi, en donnant une fourchette plutôt vague, puisque ça va de 7 000 à 150 000 en passant par 30 000 €), les enquêteurs tentent donc de vérifier ses différentes versions ; il n'en reste pas moins que certains faits troublants sont d'ores et déjà avérés :

  • il est avéré que son portable a fonctionné dans la même cellule que celle de la villa de Berlusconi, où sa présence a d'ailleurs été confirmée par Emilio Fede lui-même ;
  • il est avéré que certains bijoux qu'elle possède ont bien été payés par Berlusconi ;
  • il est avéré qu'elle a fait du "shopping" promenée à bord d'une Audi 6 à vitres teintées avec chauffeur ;
  • il est avéré qu'à la gare de Milan, arrêtée par la police ferroviaire parce qu'elle était sans papiers, Ruby téléphone à "son" avocat, qui n'est autre que Luca Giuliante, trésorier milanais du parti de Berlusconi, grand ami de Paolo, le frère de Berlusconi, et avocat de ... Roberto Formigoni et Lele Mora, sous enquête dans cette histoire, aux côté d'Emilio Fede (celui qui aurait "découvert" Ruby lorsqu'il présidait le jury d'un concours de beauté) et Nicole Minetti, pour "incitation à la prostitution", en clair, proxénétisme et, qui plus est, impliquant une mineure...

Autre chose particulièrement étrange, ce même avocat aurait présenté au Tribunal des mineurs une demande d'adoption de Ruby, pour le compte de la future aspirante "maman", qui n'est autre que Diana Mora, la fille de Lele Mora...

En oubliant peut-être un peu vite que Ruby a une famille qui vit en Sicile, une famille modeste (son père, marocain, est un vendeur ambulant, et elle-même n'a pas la nationalité italienne). Donc lorsque ces gens-là disent qu'ils ont été trompés sur l'âge, c'est peu vraisemblable puisqu'on n'adopte pas les majeurs, à ma connaissance... Et "Tribunal des mineurs", ça veut bien dire ce que ça veut dire !

Donc même lorsqu'elle affirme que personne n'était au courant du fait qu'elle était mineure, puisqu'elle ne fêtera ses 18 ans que dans ... deux jours, le 1er novembre, elle est peu crédible !

Noemi Letizia aussi était mineure (celle qui appelait Berlusconi papounet), puisque Berlusconi créa la surprise en se présentant chez elle, à Casoria, le jour de ses dix-huit ans, et les analogies sont nombreuses avec cette nouvelle affaire. Or une interview m'est restée en mémoire, où le journaliste lui demandait les chansons préférées de Berlusconi, et surtout qu'elle était la blague qu'il préférait raconter. Réponse de Noemi :
Deux ministres du gouvernement Prodi vont en Afrique, sur une île déserte, où ils se font capturer par une tribu d'indigènes. Le chef de la tribu demande au premier ôtage : « Toi préférer mourir ou bunga-bunga ? ». Le ministre choisit bunga-bunga et il se fait violer. Quand c'est au tour du deuxième, sommé de décider entre les deux options, celui-ci répond : « Plutôt mourir ». À quoi le chef de la tribu réplique : « D'accord, tu mourras, mais d'abord bunga-bunga... »
Que chacun en tire les conclusions qu'il veut.

Personnellement, une phrase de Veronica Lario me revient à l'esprit, lorsqu'elle décida de divorcer de Berlusconi après l'épisode de Casoria :
J'ai fait de mon mieux, j'ai fait tout ce que j'ai cru possible. J'ai tenté d'aider mon mari, j'ai imploré ceux qui étaient à ses côtés d'en faire autant, comme on le fait avec une personne qui n'est pas bien. Sans résultat, tout aura été inutile. Je croyais qu'ils auraient compris, je me suis trompée. Maintenant ça suffit.
(...)
Je ne peux plus rester avec un homme qui fréquente des mineures.
Les faits démontrent que Veronica Lario disait vrai...

* * *

[MàJ - 31 octobre 2010] Au fil des jours et des infos, on en sait de plus en plus sur la responsabilité de Berlusconi dans cette affaire, et comme le révèle le quotidien Repubblica, le déroulement des événements a fait l'objet d'une note "confidentielle" adressée par l'ex-préfet de Milan au Ministre de l'Intérieur, Roberto Maroni :

Berlusconi a donc menti délibérément en affirmant qu'il s'agissait de la nièce - ou de la petite-fille - de Moubarak, juste pour étayer sa thèse selon laquelle il n'était pas nécessaire de placer la mineure dans une communauté d'accueil, afin d'éviter de faire des vagues...

Un mensonge écrit noir sur blanc dans le rapport de police :

Donc, outre le mensonge caractérisé, l'abus de pouvoir évident et, last but not least, l'intérêt ô combien suspect de Berlusconi pour une mineure, le pire dans tout ça, c'est que Berlusconi ne trouve rien de mieux à déclarer que :
Je suis un joyeux luron qui aime la vie et les femmes, je mène une vie d'enfer et j'ai bien le droit de m'accorder des soirées relax, je suis fier de ma vie et ne reconnais à personne le droit à prétendre me faire changer de style de vie...
Certaines questions demeurent : qui a averti Berlusconi de la présence de Ruby au poste ?

Quant à Nicole Minetti, qui a signé le procès-verbal comme "conseillère ministérielle auprès de la Présidence du Conseil" et à la responsabilité de qui les policiers ont remis Ruby, non seulement personne ne sait où elle l'a accompagnée ensuite, mais selon la version papier du quotidien "La Stampa", elle l'aurait conduite chez une "amie brésilienne" (contre qui Ruby a porté plainte par la suite, en l'accusant d'avoir voulu l'inciter à la prostitution...), en compagnie d'une "autre brésilienne", qui aurait candidement admis : « J'avais le numéro de téléphone du président depuis quelques années, mais à ce jour j'avais jamais eu l'occasion de m'en servir... »

Et le journaliste de s'interroger : - « Comment se fait-il qu'un grand nombre de filles, brésiliennes, marocaines, italiennes, russes, connaissent le numéro de portable de Berlusconi à utiliser en cas de besoin ? »

La question est posée...



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P.S. J'imagine la tête de Moubarak quand il a appris qu'il avait une autre nièce, ou petite-fille, qui jouait au bunga-bunga, « jeu érotique enseigné à Berlusconi par le colonel Kadhafi qui le pratique avec son harem africain »...



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3 commentaires:

Anonyme a dit…

Très interessant article mais qui ne répond nullement à la question: qu'est-ce que le bunga bunga?

Jean-Marie Le Ray a dit…

... espèce de "rite sexuel propitiatoire", c'est écrit dans le billet, désolé si j'ai pas les images :-)

Anonyme a dit…

Est-ce que vous avez réussi à publier votre livre? Je trouve désespérant que votre honnêteté professionnelle ne soit pas récompensée.

Je peux vous conseiller un éditeur: Jean Robin, édition Tatamis. Il est spécialisé dans l'édition de livres qui dérangent. Le hic: faible distribution et rémunération; et vous serez en compagnie d'auteurs pas forcémment recommandables.

A propos de Bunga Bunga, un livre vient de sortir en Suède qui révèle que le roi (qui l'a confirmé) se livrait aussi à des bunga bunga dans ses jeunes années. -il aurait arrêté-.

J'ai l'impression que nous sommes passés à côtés de rites initiatiques qui nous font entrer dans les hautes sphères.....

Très, très bonne et surtout inspirée continuation!

Louis-Alexandre A.