lundi 28 février 2011

Victor-Emmanuel de Savoie / Dirk Hamer : où est la vérité ?

I. Victor-Emmanuel de Savoie avoue : scoop du Fatto Quotidiano !
II. Victor-Emmanuel de Savoie / Dirk Hamer : le fusil du prince !
III. Victor-Emmanuel de Savoie / Dirk Hamer : où est la vérité ?


* * *
Dans un démenti "officiel" dont j'ai déjà parlé dans mon premier billet :


publié le 24 février, le prince de Savoie fait quelques affirmations intéressantes qu'il convient d'analyser de plus près. Mais voyons d'abord la traduction :
J'ai lu ce qu'a publié aujourd'hui en une "Il Fatto Quotidiano", à propos d'une vidéo qui ferait ressortir des faits nouveaux sur les événements tragiques ayant conduit à la triste disparition du jeune Dirk Hamer. Encore une tentative maladroite pour attaquer un citoyen, une fois de plus, en prétextant de faits déjà tirés au clair depuis des années. Des faits qui s'inscrivent dans une enquête menée en 2006 par le Ministère public Woodcock, dont j'ai été totalement acquitté au motif de « faits non avenus ».

Il s'agit là d'une pratique journalistique "à retardement", utilisée depuis longtemps déjà pour noircir les personnes qui ne sont pas en phase, si je puis dire, avec les souhaits d'un certain type de presse, présentant des infos qui finissent régulièrement par se dégonfler comme des ballons de baudruche tout en laissant des traces lourdes et douloureuses chez qui en est la victime, une pratique utilisée aujourd'hui par "Il Fatto Quotidiano".

L'examen du texte des conversations relatives à la vidéo diffusée ce jour par le journal en question, déjà retranscrites dans les actes de la police judiciaire et à disposition de la justice depuis longtemps, n'ajoutent pas une virgule à ce qui est notoirement connu, et font même ressortir l'état de difficulté évident dans lequel j'étais à cause de mon incarcération traumatisante et de la situation incompréhensible dans laquelle je me trouvais. J'ajoute que des doses importantes de sédatif m'avaient été administrées, nécessaires à cause de mon état d'anxiété, qui ont provoqué chez moi un grave état de confusion, chose prouvée par les analyses médicales effectuées à ma sortie de la prison de Potenza.

J'observe également que les phrases sont déconnectées les unes des autres, avec l'intercalage de longues parties où s'alternent pauses et mots incompréhensibles, ce qui rend impossible de lier les différents tronçons entre eux pour faire croire à la thèse de l'admission de culpabilité. J'observe en outre que la vidéo diffusée par “Il Fatto Quotidiano” résulte d'un montage artificiel faisant intervenir 7 tronçons différents pour tenter de donner un sens achevé aux phrases prononcées. Or tout cela a déjà été publié dans de nombreux journaux en 2006, et clairement expliqué dans les actes de différents procès.

Je souligne d'ailleurs que :

1) Les mots de la vidéo sont très fragmentés et incohérents, entrecoupés de longues pauses et de bouts d'enregistrement incompréhensibles, fruit d'un montage astucieusement assemblé.

2) Aucun mot ne ressort du contexte de la vidéo enregistrée, qui serait nouveau par rapport à ceux déjà connus et tirés au clair.

3) Aucun aveu de responsabilité ne ressort du contexte de l'enregistrement ni n'aurait jamais pu ressortir, puisqu'il n'y a jamais eu aucune responsabilité.

4) Chose dont la Cour d'assises de Paris fut bien consciente, puisqu'elle s'est exprimée sur la base de preuves objectives sans la moindre équivoque : expertises balistiques (qui ont prouvé, entre autres, que la balle qui a frappé la jambe de la victime était une balle de pistolet, et non pas de fusil) et nombreuses évaluations techniques.

Cette déplorable tentative de raviver des expériences humaines douloureuses en publiant des infos journalistiques visant à accréditer des faits qui ne sont pas vrais, trouvera les réponses les plus fermes devant les tribunaux compétents, et je précise du reste que le magistrat Henry John Woodcock avait transmis dès 2006 le film et la retranscription des écoutes au Ministère de la Justice français, qui avait lui "sèchement" et clairement répondu qu'aucune procédure ne pouvait être rouverte contre lui après un jugement de la Cour d'Assises de Paris, fondé sur des preuves objectives et sans équivoque de son innocence.

Difficile de comprendre, donc, pourquoi le journal en question veut relancer une histoire désuette et clarifiée, quel est le but ?

J'ai déjà mandaté Maître Francesco Murgia pour intenter toutes les actions nécessaires à l'encontre de quiconque voudra accréditer des faits ou des versions différent(e)s, ou encore insinuer qu'il y ait eu de ma part une reconnaissance de culpabilité pour les événements mentionnés, afin de rétablir la vérité des faits, si nécessaire, et de protéger mon innocence contre les diffamations de ceux qui citent les jugements comme des vérités uniquement lorsque ces vérités correspondent à leurs vues instrumentales.

Victor-Emmanuel
En premier lieu, puisque le prince parle beaucoup de "faits" dans sa note, voyons-les de plus près, ces "faits" :

- en décembre 1978, âgé de 19 ans, Dirk Hamer décède des suites d'une blessure à l'aine causée par un tir d'arme à feu, dont le prince avait reconnu dans un premier temps être responsable (déclaration rendue le 18 août 1978 à 7h du matin aux policiers Nowaczyk et Monet, du commissariat de Bonifacio, nous dit Birgit Hamer dans son livre) [Je soussigné, S.A.R. le Prince Victor-Emmanuel de Savoie, Comte de Sarre, né le 12 février 1937, à Naples (Italie). (...) Au moment où le deuxième coup fut tiré, j'avais la main sur la détente et le coup est parti accidentellement. À aucun moment je n'ai voulu tirer dans leur direction. Je reconnais les faits tels qu'ils se sont passés, en ce sens que j'assume mes propres responsabilités sur les blessures provoquées par cette balle perdue. Je vous remets le fusil et 29 cartouches. Je détiens un port d'armes dont voici une photocopie. (Al momento del secondo sparo la mia mano era sul grilletto e il colpo è partito accidentalmente. In nessun momento ho mai voluto sparare nella loro direzione. Riconosco i fatti per come si sono svolti, nel senso che mi assumo le responsabilità delle ferite causate da questa pallottola vagante. Vi consegno il fucile con 29 cartucce. Sono titolare di un porto d’armi di cui vi consegno fotocopia.)] ;
- en juillet 1992, 14 ans plus tard, le prince Victor-Emmanuel de Savoie est définitivement acquitté dans cette affaire, à l'issue d'un ultime recours en Cassation de la famille Hamer ;
- en juin 2006, alors que l'histoire est close depuis 14 ans et que personne ne lui demande rien, Victor-Emmanuel de Savoie déclare de façon totalement spontanée à ses compagnons de cellule (c'est lui qui mène la conversation, sur un ton pas particulièrement stressé, au contraire) :
Je peux vous dire qu’Isolabella est venu à Paris assister à mon procès, le procès, même si j'étais en tort, en tort, pour être...

Parce que là, c’est oui ou c’est non, d'abord ils m’ont saisi, encore à moi… alors j’ai changé six des jurés, parce que j’avais le droit, s’ils ne me plaisaient pas, de les changer

J'avais une batterie d'avocats... ah, comment mon avocat s’appelait-il donc ?... il avait trouvé... puis j'ai été mis en probation
(sursis avec mise à l’épreuve, je suppose), pendant un an et demi, donc c’est à partir de là que nous avons commencé, et je dois dire que je les ai bien eus, vraiment génial, plus une vingtaine de témoins, et d’autres personnalités publiques importantes, le parquet avait demandé cinq ans et demi, mais j'étais sûr de gagner, j'en étais plus que sûr, attendez, laissez-moi visualiser (la scène), maintenant on demande aux jurés qui se sont, on demande aux jurés de se retirer et de répondre sur trois points :
  1. Y a-t-il eu un acte volontaire de la part de Monsieur le prince de Savoie? 
  2. Monsieur le prince de Savoie est-il responsable de la mort (de Dirk Hamer)?
  3. Monsieur le prince de Savoie avait-il oui ou non une arme à feu ?
Ils se sont retirés, et deux heures plus tard ils sont revenus ... impressionnant
  1. Premier point : « Aucun acte volontaire de la part de Monsieur le prince de Savoie » 
  2. Deuxième point: « Monsieur le prince de Savoie n'est pas responsable de la mort de l'allemand » 
  3. Troisième point: « Oui, il avait une carabine datant d’avant-guerre »... 
Condamné à six mois avec sursis. Six mois : il y avait une amnistie, ils l’ont même pas transcrit (sur mon casier) ! 
- (rigolade) – 
Je suis sorti de là, vraiment génial ! Non, parce que…

J'ai tiré deux coups de fusil, un comme ça et l'autre vers le bas, mais le coup est parti dans cette direction, il est parti là et l'a touché à la jambe (incompréhensible)... en passant à travers la coque.

Et d’ailleurs, je sais pas si quelqu’un a fait le service
(militaire), avez-vous fait le service quand il y avait les … anglais, carabine, OK, cartouche calibre 30/03, 30/03, (crosse) en bois

Alors, il est où, ce whisky ?
- en 2011, après presque cinq ans d'attente, la sœur de Dirk Hamer finit par obtenir des autorités compétentes, par les voies judiciaires ordinaires et de façon tout à fait légitime, la vidéo intacte d'une durée de 6'24" où sont enregistrés sons et images de ladite déclaration.
- 33 ans séparent la mort de Dirk Hamer et la mise à disposition de la vidéo sur Internet.

Ça ce sont les faits. Nus et durs.
* * *
Lorsque, pour la première fois, l'enregistrement audio ci-dessus (mais pas la vidéo) a été publié par la presse italienne en 2006, le prince a immédiatement contre-attaqué dans deux directions : la manipulation de l'info par la publication de fragments de phrases extrapolées d'un contexte plus ample, et le manque de lucidité et de sérénité dont il souffrait à cause de sa détention.

Ce dont témoignent parfaitement les déclarations de son avocate de l'époque, Giulia Bongiorno, qui dit en deux occasions : « ce ne sont que des petits fragments extrapolés de contextes bien plus amples » (Sono solo piccoli frammenti estrapolati da contesti molto più ampi), et « je tiens à souligner que durant sa détention Victor-Emmanuel n'était nullement lucide ni serein » (Vorrei far presente che nei giorni della sua detenzione Vittorio Emanuele non era per nulla lucido e sereno).

La femme du prince, Marina Doria, rend également une déclaration semblable, comme le précise cette note de l'Ambassade de France, datée du 13 septembre 2006, intitulée « Signalé dans la presse italienne » :
« Vittorio Emanuele de Savoie évoque la tragédie survenue il y a vingt-huit ans sur l’île de Cavallo : "Je n’ai pas tué Hamer, la preuve est le projectile" » (Federica Cavadini, Corriere) : « L’épouse du prince, Marina Doria, s’exprime pour son mari : "des bouts de phrases prononcées par mon époux ont été assemblées pour le confondre" ».
Elle ajoute du reste : « Il est impossible que mon mari ait dit ça, parce qu'il est innocent. Pourquoi ont-ils assemblés ces fragments ? Ce n'est pas à nous qu'il faut le demander ». (E' impossibile che mio marito l'abbia detto, perché è innocente. Perché hanno messo insieme quei frammenti? Non lo chieda a noi.)

Par ailleurs, sur la teneur des mots interceptés dans l'enregistrement, les défenseurs du prince, les avocats Sergio Calvetti et Francesco Murgia, déclarent même : « Cette phrase n'a jamais été prononcée » (Quella frase non è stata mai pronunciata), à propos de « J'avais tort et je les ai eus. J'étais sûr de gagner » (Avevo torto e li ho fregati. Ero sicuro di vincere).

Dans ce cas, il est vrai que cette phrase précise n'a jamais été prononcée telle quelle, et que ce sont effectivement trois bouts de phrase assemblés, mais il ne me semble pas que la teneur diffère fondamentalement du message qui passe en voyant l'intégralité de la vidéo, retranscrit ci-dessus.

Quant à Birgit Hamer, elle nous dit dans le livre que Paul Lombard et les défenseurs français du prince réitérèrent son innocence en soutenant la même thèse, à savoir que le prince avait parlé dans un état d'incapacité provoqué par l'administration de médicaments (Ovviamente i legali della controparte, soprattutto Paul Lombard, sostengono che il principe abbia parlato in stato di incapacità d’intendere e di volere determinata dall’assunzione di alcuni farmaci, e ribadiscono l’innocenza del loro assistito).

Il est vrai que, parfois, le mélange alcool-médicaments ne fait pas bon ménage (Alors, il est où, ce whisky ?)...
* * *
Mais passons, pour en arriver à la note princière (traduite en début de billet), où la stratégie d'attaque est exactement la même que celle qui a fait florès en 2006 : à la différence que cette fois le prince parle de vidéo artificieusement montée, et qu'il renchérit avec "les doses importantes de sédatif administrées" pour justifier son "grave état de confusion".

Il est vrai que le prince était tellement confus qu'à la sortie de sa semaine de prison, toujours en 2006, et sachant probablement qu'il était sur écoutes, il eut pour ses auditeurs une pensée pleine de gentillesse en s'adressant à son interlocuteur au téléphone : « Ce sont de pauvres individus, des envieux, des salauds, pense à ces connards qui sont en train de nous écouter, ils sont morts de faim, ils ont pas un centime, ils sont obligés de nous écouter toute la journée pendant que leur femme les fait probablement cocus... » (Sono dei poveretti, degli invidiosi, degli stronzi, pensa a quei coglioni che ci stanno ascoltando... morti di fame, non hanno un soldo, devono rimanere tutta la giornata ad ascoltare mentre probabilmente la moglie gli fa le corna)...

Au point de faire dire au magistrat de Potenza chargé de l'enquête préliminaire, Rocco Pavese, que ces déclarations démontrent tout le « cynisme et le mépris pour une enquête judiciaire légitime » (cinismo e disprezzo per la legittima attività investigativa e giurisdizionale). Autant vous dire que l'info a été reprise en boucle dans la presse et les médias...

Dans le même article que celui signalé par l'Ambassade de France, la femme du prince est bien sûr d'un avis opposé, et revient sur ces douces pensées royales : « Mon mari admet qu'il a eu ces mots et il s'en excuse, mais il les a eus dans un moment de dépression et de rage, probablement avait-il bu un verre de trop. Il a beaucoup souffert pendant sa détention en résidence surveillée ». (Mio marito ammette di aver detto quelle cose e se ne scusa, è stato un momento di depressione, di rabbia, avrà bevuto un bicchiere di troppo. Ha sofferto molto agli arresti domiciliari.)

Cela explique tout, donc. Pourtant, en 2011, alors que se dessine la même stratégie puissante d'attaque et d'intimidation préventive, on pourrait faire au prince plusieurs objections sur sa note :

1. Sur la "tentative maladroite" de relancer des "faits déjà tirés au clair depuis des années" pour lesquels le prince a été définitivement acquitté, j'ignore si la tentative est maladroite, mais le fait est qu'en faisant ses déclarations spontanées à ses compagnons de cellule, c'est le prince lui-même qui contredit seul ce qu'il a soutenu lors d'un jugement 15 ans auparavant, lui seul et personne d'autre. Donc si quelqu'un répète ce que lui-même a dit, de façon évidente et sans équivoque - la vidéo en est la preuve -, doit-on croire que le prince se diffamerait lui-même s'il accusait de diffamation ceux qui se contentent de répéter ses propos sans qu'ils n'aient jamais eu la moindre responsabilité dans la teneur desdits ?

2. Sur la soi-disant pratique journalistique "à retardement", suffit-il de rappeler que Birgit Hamer a dû attendre près de cinq ans pour recevoir la vidéo ? Par conséquent, si retardement il y a, c'est indubitablement indépendant de la volonté de Mme Hamer et uniquement dû aux longueurs de la procédure nécessaire à son obtention, mais certainement pas aux raisons invoquées par le prince dans le but prétendu de noircir son Altesse. Il y parvient fort bien tout seul par ses déclarations...

3. Sur le fait que la vidéo n'ajoute pas une virgule au texte des enregistrements précédemment retranscrits, c'est clair : le message n'a pas changé. Par contre la vidéo permet très précisément d'appréhender l'unité de temps et de lieu du contexte global, et de comprendre d'un seul coup d'œil que les déclarations sont spontanées (pas de pistolet sur la tempe pour le faire parler), autonomes, et sans aucune dilatation temporelle : le tout ne dure pas plus de 6'24".

Quant à la confusion que justifierait l'absorption de "doses importantes de sédatif" (et de whisky ?), elle est toute relative, puisque le prince semble manifester bien peu de confusion lorsqu'il parle de son procès, dès lors que l'évocation qu'il en fait correspond précisément au déroulement du jugement (les jurés récusés et le défilé des témoins, les questions posées aux jurés, etc.) et à son issue ("six mois avec sursis", ponctué d'une rigolade et d'un "j'en suis sorti, vraiment génial", qui prêtent peu à équivoque). Or être confus, ce serait l'être pour tout... Piqûre de rappel :
Je peux vous dire qu’Isolabella est venu à Paris assister à mon procès, le procès, même si j'étais en tort, en tort, pour être...

Parce que là, c’est oui ou c’est non, d'abord ils m’ont saisi, encore à moi… alors j’ai changé six des jurés, parce que j’avais le droit, s’ils ne me plaisaient pas, de les changer

J'avais une batterie d'avocats... ah, comment mon avocat s’appelait-il donc ?... il avait trouvé... puis j'ai été mis en probation
(sursis avec mise à l’épreuve, je suppose), pendant un an et demi, donc c’est à partir de là que nous avons commencé, et je dois dire que je les ai bien eus, vraiment génial, plus une vingtaine de témoins, et d’autres personnalités publiques importantes, le parquet avait demandé cinq ans et demi, mais j'étais sûr de gagner, j'en étais plus que sûr, attendez, laissez-moi visualiser (la scène), maintenant on demande aux jurés qui se sont, on demande aux jurés de se retirer et de répondre sur trois points :
  1. Y a-t-il eu un acte volontaire de la part de Monsieur le prince de Savoie? 
  2. Monsieur le prince de Savoie est-il responsable de la mort (de Dirk Hamer)?
  3. Monsieur le prince de Savoie avait-il oui ou non une arme à feu ?
Ils se sont retirés, et deux heures plus tard ils sont revenus ... impressionnant
  1. Premier point : « Aucun acte volontaire de la part de Monsieur le prince de Savoie » 
  2. Deuxième point: « Monsieur le prince de Savoie n'est pas responsable de la mort de l'allemand » 
  3. Troisième point: « Oui, il avait une carabine datant d’avant-guerre »... 
Condamné à six mois avec sursis. Six mois : il y avait une amnistie, ils l’ont même pas transcrit (sur mon casier) ! 
- (rigolade) – 
Je suis sorti de là, vraiment génial ! Non, parce que…

J'ai tiré deux coups de fusil, un comme ça et l'autre vers le bas, mais le coup est parti dans cette direction, il est parti là et l'a touché à la jambe (incompréhensible)... en passant à travers la coque.

Et d’ailleurs, je sais pas si quelqu’un a fait le service
(militaire), avez-vous fait le service quand il y avait les … anglais, carabine, OK, cartouche calibre 30/03, 30/03, (crosse) en bois

Alors, il est où, ce whisky ?
4. Sur les phrases déconnectées les unes des autres, entrecoupées de longues parties où s'alternent pauses et mots incompréhensibles, "ce qui rend impossible de lier les différents tronçons entre eux pour faire croire à la thèse de l'admission de culpabilité", à la rigueur c'est un argument qui pouvait être soutenu en 2006, justement en l'absence d'une unité tangible de temps et de lieu qui permit alors au prince et à ses défenseurs de prétendre qu'il y eut un assemblage artificieux de phrases hors contexte pour confondre les idées. L'élément de nouveauté qu'amène la vidéo est justement qu'il n'est plus possible d'affirmer cela aujourd'hui. Sauf à étayer les affirmations du prince et de ses défenseurs en démontrant qu'il y aurait eu manipulation audio et/ou vidéo du message.

5. Sur le montage artificieusement réalisé pour coller 7 tronçons différents afin de tenter de donner un sens achevé aux phrases prononcées, "Il Fatto Quoditiano" a clairement répondu en disant que le prince avait basé son raisonnement sur des extraits de la vidéo intégrale, bien que l'intégralité de celle-ci fût clairement signalée dans l'article. Pour autant, publier une note officielle de cette teneur ne devrait pas se faire à la légère, en accusant d'emblée le journal d'avoir procédé à un montage artificieux de la vidéo. Car de fait, comme l'observe la sœur de Dirk, il s'agit là d'accusations d'une extrême gravité : « Si le Savoie veut accuser les magistrats de Potenza d'avoir falsifié le film, qu'il le dise ouvertement... ».

6. Sur la publication d'infos journalistiques visant à accréditer des faits qui ne sont pas vrais, quels sont donc les "faits publiés qui ne sont pas vrais" ? La seule chose publiée est la vidéo ? Donc la vidéo serait fausse ? L'enregistrement audio et/ou vidéo aurait été manipulé ? Des fragments assemblés hors contexte ? Des "non" auraient été supprimés pour modifier les affirmations négatives en positives, ou vice-versa ? Par qui ? Par les magistrats de Potenza ? Et pourquoi donc ? Qui est-ce qui affirme : « J'ai tiré deux coups de fusil, un comme ça et l'autre vers le bas, mais le coup est parti dans cette direction, il est parti là et l'a touché à la jambe... » ?

Et comment doit-on interpréter cette phrase, et les autres (le procès, même si j'étais en tort, en tort... J'avais une batterie d'avocats... je dois dire que je les ai bien eus, vraiment génial, ... mais j'étais sûr de gagner, j'en étais plus que sûr, ...) ? Comme des aveux, des déclarations spontanées, des mensonges, des vérités, ou encore quelques paroles sans aucune importance au motif qu'elles auraient été prononcées par un incapable d'agir ? Ou bien devrait-on considérer les mots prononcés "nuls et non avenus" ? Et si oui, pourquoi donc ?

7. Sur la difficulté de comprendre dans quel but relancer une telle histoire "désuette et clarifiée", serait-il ingénu de croire qu'un journal qui professe comme ligne éditoriale la Constitution italienne et se bat quotidiennement contre la corruption et le mensonge, endémiques en Italie, s'attache également, d'une manière générale, à la vérité des faits ? Quand bien même la chose pourrait paraître secondaire à quelqu'un qui, en 1994, lorsqu'il lui fut demandé s'il était prêt à jurer fidélité à la Constitution républicaine pour pouvoir rentrer en Italie, se contenta de rétorquer : « Non, je ne veux pas répondre à cette question. C'est une connerie ! » (Nel 1994, quando gli fu chiesto se fosse disposto a giurare fedeltà alla Costituzione repubblicana per tornare in Italia, lui rispose: “No. Non voglio rispondere a questa domanda. È una cazzata!). Bon prince...

8. Enfin, sur la reconnaissance de culpabilité pour les événements mentionnés, sur le rétablissement de la vérité des faits, si nécessaire, et sur la nécessité de protéger le prince innocent contre les diffamations de ceux qui citent de façon arbitraire les jugements comme des vérités, peut-être vaudrait-il la peine de conclure en voyant quelles sont les seules "vérités" restées irréfutables dans cette histoire :

- en août 1978, un jeune homme de 19 ans, Dirk Hamer, est blessé à l'aine par le tir d'une arme à feu ; il meurt des suites de sa blessure en décembre de la même année ;
- la justice française n'a jamais pu identifier ni condamner le coupable ayant tiré ;
- par un beau jour de juin 2006, un homme déclare spontanément à ses compagnons de cellule dans la prison de Potenza que c'est lui qui a tiré deux coups de fusil, dont l'un a touché Dirk Hamer à la jambe.

Cet homme, c'est vous, Victor Emmanuel Albert Charles Théodore Humbert Boniface Amédée Damien Bernardin Janvier Marie de Savoie.

Aucun jugement n'est cité. Juste une vidéo de 6'24", nue et crue, publiée le 24 février 2011 sur le site du "Fatto quotidiano", 33 ans après "les événements tragiques ayant conduit à la triste disparition du jeune Dirk Hamer", qui en témoigne de façon évidente et sans équivoque. Est-ce diffamer la vérité que de dire cela ? Ou, tout simplement, est-ce dire la vérité ? Et encore, est-ce offenser l'honneur et la réputation d'un homme que de dire la vérité ?

La question est posée.

Si vous souhaitez y répondre, les commentaires vous sont ouverts.


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dimanche 27 février 2011

Victor-Emmanuel de Savoie / Dirk Hamer : le fusil du prince !


Billet qu'on pourrait également sous-titrer : mais que fait la presse ? ou pourquoi ce silence des médias ?

I. Victor-Emmanuel de Savoie avoue : scoop du Fatto Quotidiano !
II. Victor-Emmanuel de Savoie / Dirk Hamer : le fusil du prince !
III. Victor-Emmanuel de Savoie / Dirk Hamer : où est la vérité ?


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En lisant le Fatto Quotidiano qui couvre cette histoire, le journal d'hier signale qu'un lecteur aurait réussi à comprendre la parole que dissimulent les derniers mots prononcés par le prince de Savoie à la fin du film, que j'ai retranscrits comme suit :
E poi, non so sé qualcuno qui ha fatto il servizio, chi ha fatto il servizio quando c’erano … inglese, ecc. Carabina, va bene… Pallottola trenta zero tre, trenta zero tre, … di legno… 
Allora, dov’è ‘sto whisky?

Traduction :

Et d’ailleurs, je sais pas si quelqu’un a fait le service (militaire), avez-vous fait le service quand il y avait les … anglais, carabine, OK, cartouche calibre 30/03, 30/03, (crosse) en bois

Alors, il est où, ce whisky ?
Selon le lecteur qui a contacté le site Dagospia, le mot manquant serait ENFIELD, dont il nous dit :
Si tratta del fucile usato nella I e II Guerra Mondiale dall'Esercito Inglese (vedi con Google la voce: Lee-Enfield).
Tale arma fù in dotazione anche all'Esercito Italiano negli ultimi tempi dell'ultima guerra e ancora negli anni cinquanta.
Per funzioni di rappresentanza é a volte utilizzato ancor oggi dalla marina militare.
La misura della pallottola (cioé il calibro) di tale fucile é proprio .303 (millesimi di pollice) altrimento detto "trecentotré inglese", nella conversazione é approssimativamene indicato come "trenta zero tre" tempo (6' 00") .
Il fucile Enfield, diversamente dai fucili oggi in uso ai militari, aveva ancora la calciatura in legno. tempo (6' 04")
Risulta quindi evidente, che l'intercettato parlava dell'arma con cognizione di causa.


Il s'agit d'un fusil utilisé par les troupes britanniques durant la 1ère et la 2ème Guerres mondiales (chercher sur Google "Lee-Enfield"), une arme qui fut également en dotation à l'Armée italienne lors de la dernière Guerre et jusque dans les années 50.
Notre marine militaire l'utilise aujourd'hui encore pour les parades.
Le calibre des balles est bien le 303 (millièmes de pouce), qu'on appelle 303 british, indiqué de manière approximative dans la conversation comme 30-03.
Les fusils Enfield, contrairement aux fusils qu'utilisent à présent les militaires, avaient encore une crosse en bois (6'04").
Il est donc évident que le prince parle de l'arme en connaissance de cause.
Du reste, il est notoire que le prince est un passionné d'armes... Mais en étudiant la chose de plus près, un détail ne cadre pas : le Enfield n'a que 10 balles (dix coups dans un chargeur amovible), alors que le fusil du prince en avait 31 : une carabine semi-automatique munie de son chargeur et de 31 cartouches 7,62 mm.

La chose est confirmée dans le livre que vient de publier Aliberti, intitulé Délit sans châtiment, et par le prince lui-même dans la déclaration qu'il fit le 18 août 1978 à la police :
Vi consegno il fucile con 29 cartucce. Sono titolare di un porto d’armi di cui vi consegno fotocopia.

Je vous remets le fusil et 29 cartouches. Je détiens un port d'armes dont voici une photocopie.
De même, dans un premier rapport de police rédigé par deux agents de Bonifacio :
Al momento della consegna del fucile da parte del principe Vittorio Emanuele, il fucile era bagnato. Il caricatore conteneva ventinove cartucce, e recava tracce evidenti d’acqua. Il bossolo individuato sul Coke da un passeggero e consegnato dal sig. Pende è dello stesso tipo e calibro delle altre cartucce.


Au moment où le prince Victor-Emmanuel nous a remis le fusil, celui-ci était mouillé. Le chargeur contenait vingt-neuf cartouches avec des traces évidentes d'eau dedans. La douille identifiée sur le "Coke" par un passager que nous a remise M. Pende est de même nature et du même calibre que les autres cartouches.
Mais le livre ajoute deux autres détails qui font douter qu'il s'agit bien d'un Enfield :
  1. La perizia balistica ufficiale poté essere effettuata dal professor Ceccaldi, capo-laboratorio della scientifica di Parigi, solo dopo che dal corpo di Dirk vennero estratti frammenti di piombo schiacciati di 4,125 grammi, qualitativamente identici al materiale del nucleo del proiettile calibro 30 MI Hirtenberger.

    L'expertise balistique officielle ne put être effectuée par le professeur Ceccaldi, directeur du laboratoire de police judiciaire de Paris, qu'après avoir extrait de la blessure de Dirk Hamer un fragment de plomb écrasé de 4,25 grammes, identique de par sa nature au contenu des projectiles de calibre 30 M1 Hirtenberger.


  2. Il 23 agosto furono fatte immersioni nel punto in cui erano ormeggiati i tre yacht degli italiani: furono recuperati un bossolo con la scritta 30 M1 – 7,62 K – HP (a circa tre metri di profondità)...

    Le 23 août, des plongeurs examinèrent le fond marin là où étaient amarrés les trois yachts des italiens, et récupérèrent, à environ trois mètres de profondeur, une douille portant l'inscription 30 M1 – 7,62 K – HP...
Selon une autre source, dont j'ignore la fiabilité, il s'agirait bien du M1, "puissant fusil de guerre américain" qui aurait été offert à Victor-Emmanuel par ... l'ex-dictateur philippin Ferdinand Marcos !

Quoi qu'il en soit, ces détails font penser que l'on aurait deux fusils différents :
  • Le Enfield dont parlerait le prince, selon le lecteur qui a signalé son intuition au site Dagospia, mais dont le calibre est un "303 british" (30-03 selon le prince), et qui aurait été adapté pour avoir un chargeur de 30 cartouches (du genre Charlton), plus 1 balle engagée dans le canon.
Deux fusils, donc, et non pas un !

Chose d'autant plus étrange que la presse belge ayant couvert l'affaire en son temps, relate par deux fois des incohérences autour de la pièce à conviction :
[La famille Hamer] met notamment en cause, dans un « mémoire » adressé hier à notre rédaction, les longueurs de la procédure, la disparition de preuves, et l'existence d'un « complot » ourdi par la maison de Savoie en vue de nuire à son honorabilité : remplacement au greffe d'Ajaccio de l'arme du drame par une autre carabine ; octroi par le roi Baudouin à son cousin d'un passeport diplomatique lui ayant permis de se réfugier, deux jours après les faits, au Mexique ; cambriolage de la résidence des Hamer en Allemagne et vol de tous leurs documents personnels ; enfin, détournement d'une reconnaissance de dette de 1 million de dollars signée par le prince de Savoie au profit de Dirk Hamer alors que le jeune homme n'était pas encore mort. (AFP et Marc Metdepenningen)
Diverses carences du dossier, la pièce à conviction principale (la carabine du prince) qui disparaît durant des années ; les bateaux de vacanciers italiens témoins (ou acteurs? on ne le saura jamais) du drame, que personne ne retient pour les besoins de l'enquête ; la disparition d'au moins un pistolet (auquel il manque des cartouches) appartenant à un de ces Italiens ; les contradictions entre témoins qui ont entendu deux ou plusieurs autres coups de feu ; les incertitudes des experts ; tout cela a facilité la tâche du défenseur qui a agité le spectre de l'erreur judiciaire. (Jacques Cordy)
Donc apparemment, 33 ans après, le fusil du prince reste encore un mystère !

La chose pourrait sûrement être éclaircie en se replongeant dans les actes de l'époque, mais malheureusement, lorsque l'avocat de la défense s'est adressé au greffe de la Cour d’Assises de Paris pour obtenir une copie du jugement de 1991 [après la publication, en 2006, des enregistrements audio dont nous avons aujourd'hui la vidéo correspondante (voir en P.S.)], quelle ne fut pas sa surprise de découvrir qu'il ne subsistait AUCUNE trace écrite du jugement : RIEN aux archives, DISPARU !

Une déclaration du prince dans sa cellule me revient à l'esprit :
Condamné à six mois avec sursis. Six mois : il y avait une amnistie, ils l’ont même pas transcrit (sur mon casier) !
"Sur mon casier" il ne le dit pas explicitement, c'est moi qui ai interprété en fonction du contexte, mais vu que dans la réalité le jugement semble n'avoir pas même été écrit, les mots du prince peuvent porter à confusion, ne croyez-vous pas ?

En tout cas, que de mystères et d'incohérences dans cette affaire. Je ne pense pas que la Justice en sorte particulièrement grandie...

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jeudi 24 février 2011

Victor-Emmanuel de Savoie avoue : scoop du Fatto Quotidiano !


I. Victor-Emmanuel de Savoie avoue : scoop du Fatto Quotidiano !
II. Victor-Emmanuel de Savoie / Dirk Hamer : le fusil du prince !
III. Victor-Emmanuel de Savoie / Dirk Hamer : où est la vérité ?


* * *
[3ème MàJ - 25 février, 0h10'] Je suis obligé d'intervertir l'ordre des mises à jour, en passant de la plus récente à la plus ancienne, car l'affaire n'arrête pas d'évoluer !

Je viens de découvrir en effet qu'un livre a été publié hier, intitulé "Délit sans châtiment" (titre inspiré de Crime et Châtiment, le roman de Dostoïevski, qui est traduit Délit et châtiment en italien : Delitto e Castigo), "la véritable histoire de Victor-Emmanuel" :


Publié chez Aliberti aux soins de Béatrice Borromeo (qui signe également l'article sur le Fatto), comtesse et fiancée de Pierre Casiraghi, la sortie du livre s'accompagne d'une présentation vidéo :



À noter que la publication du livre fait également la une du Fatto d'aujourd'hui (25 février 2010), où la Borromeo nous explique en pages 2 et 3 que la réaction du prince, prétendant que le journal aurait manipulé la vidéo en procédant à un montage maladroit des images, est une accusation d'une extrême gravité ; et de citer la réponse de Birgit Hamer : « Si le Savoie veut accuser les magistrats de Potenza d'avoir falsifié le film, qu'il le dise ouvertement... », puisque cette vidéo n'est autre que celle obtenue par les voies judiciaires après presque cinq ans d'attente (2006-2011), et livrée à la sœur de Dirk par les autorités compétentes !

Quant au livre, l'article nous dit dans un encadré qu'il est prêt depuis ... huit ans, mais qu'aucun éditeur n'a eu le courage de le publier jusqu'à aujourd'hui par crainte des rétorsions légales probables...

Le directeur du Fatto, Antonio Padellaro, conclut ainsi son éditorial : le Savoie menace de nous traîner devant un tribunal. Qu'il le fasse. Nous pourrons ainsi lui dire en face ce que nous pensons de lui... (il Savoia sparacchia minacce di querela. Ci porti in tribunale. Potremo dirgli in faccia ciò che pensiamo di lui).

La presse suisse commence d'ailleurs à faire sortir l'info. En reprenant des extraits de ma traduction, sans me citer bien sûr...

[2ème MàJ - 24 février, 16h00'] Réaction du prince (en italien), qui menace de poursuivre le journal en diffamation en les accusant de s'être livré à un "montage des images", « qui n'ajoutent pas une virgule à ce qui est notoirement connu et à disposition de la justice depuis longtemps. Elles font même ressortir l'état de difficulté évident dans lequel j'étais à cause de mon incarcération traumatisante et de la situation incompréhensible dans laquelle je me trouvais. J'ajoute que des doses importantes de sédatif m'avaient été administrées, nécessaires à cause de mon état d'anxiété, qui ont provoqué chez moi un grave état de confusion, chose prouvée par les analyses médicales effectuées à ma sortie de la prison de Potenza. »
L'esame del testo delle conversazioni relative al video, riportate dai brogliacci della Polizia Giudiziaria, già da tempo a disposizione, non aggiungono una virgola a quanto già noto e da tempo rappresentato. Anzi, fanno emergere l’evidente stato di difficoltà in cui versavo a causa del mio traumatico arresto e per la situazione incomprensibile in cui mi trovavo. Aggiungo che mi erano state somministrate ingenti dosi di sedativi, necessari per il mio stato di ansia, che mi hanno provocato uno stato di grave confusione, somministrazione provata dalle analisi mediche effettuate alla mia uscita dal carcere di Potenza”.
Le prince précise ensuite que le Ministère de la Justice français disposait déjà du film et de la retranscription des écoutes dès 2006, Ministère qui avait "sèchement" répondu au magistrat italien (Henry John Woodcock, qui avait transmis le dossier en France) qu'aucune procédure ne pouvait être rouverte contre lui après un jugement de la Cour d'Assises de Paris, fondé sur des preuves objectives et sans équivoque de son innocence.
Peraltro sottolineo che il video in oggetto e le relative trascrizioni erano già state trasmesse da Woodcock al Ministero della Giustizia Francese nel 2006. Il Ministro della Giustizia inviò una secca e chiara risposta affermando che nessun procedimento poteva ne potrà mai essere riaperto a fronte di una sentenza della Corte d’Assise di Parigi fondata su inequivocabili prove oggettive di innocenza”.
Le Prince appuie son raisonnement sur le fait que, dans le film, "les phrases sont déconnectées les unes des autres, avec l'intercalage de longues parties où s'alternent pauses et mots incompréhensibles, ce qui rend impossible de lier les différents tronçons entre eux pour faire croire à la thèse qu'il aurait admis sa culpabilité. Il s'agirait donc d'un montage artificiel faisant intervenir 7 tronçons différents pour tenter de donner un sens achevé aux phrases prononcées. Or tout cela a déjà été publié dans de nombreux journaux en 2006, et clairement expliqué dans les actes de différents procès."
“Desidero far notare come le frasi siano sconnesse tra loro con lunghe parti di parole incomprensibili o di pause che rendono impossibile il collegamento dei vari spezzoni con cui si vorrebbe accreditare la tesi dell’ammissione di colpa. E’ stato artificialmente montato con ben sette spezzoni diversi per tentare di dare senso compiuto alle frasi pronunciate. Tutto già più volte pubblicato nel 2006 da numerosi quotidiani e puntualmente chiarito anche negli atti processuali”.
Le journal rétorque que le prince s'est basé sur une première vidéo ne présentant que des extraits mais pas sur la version intégrale (celle que j'ai publiée sur ce blog). Je m'en vais donc la débobiner pour permettre à chacun de se faire son idée.

* * *
Voici le débobinage, pour ce que j'ai réussi à comprendre car le son n'est pas de bonne qualité, mais sur l'extrait ci-dessous j'ai pu vérifier le sous-titrage (les parties graissées sont celles que j'avais citées dans la version originale de mon billet, les plus importantes selon moi). Traduction à suivre...
Io le posso dire che Isolabella è venuto al mio processo a Parigi, il processo, anche se io avevo torto, torto, per essere… 
Perché lì, è si o no, prima mi hanno sequestrato, sempre a me… allora ho cambiato sei persone dei giurati perché io ho diritto – se non mi piace – di cambiare  
Io avevo una batteria di avvocati … ah, come si chiamava il mio avvocato … aveva trovato … poi fui in affidamento … io avevo un anno e mezzo, allora abbiamo cominciato da lì, e devo dire che li ho fregati, eccezionale, poi … venti testimoni, e si sono affacciate tante di quelle personalità pubbliche, il Procuratore aveva chiesto cinque anni e sei mesi, ero sicuro di vincere, ero più che sicuro, allora, adesso che visualizzo, adesso chiediamo ai giurati che si sono, chiediamo ai giurati di ritirarsi e rispondere su tre punti: 
  1. C’è stato un atto volontario dal Signor Di Savoia?
  2. Il Signor Savoia è responsabile della morte?
  3. Il Signor Savoia aveva sì o no un’arma da fuoco? 
Si sono ritirati, due ore dopo, sono arrivati lì … impressionante
  1. Il primo punto: “Dal Signor Savoia nessun atto volontario”
  2. Secondo punto: “Il Signor Savoia non è affatto responsabile della morte del tedesco”
  3. Terzo punto: “Si, è una carabina anteguerra”…
Gli diamo sei mesi con la condizionale. Sei mesi: c’era un’amnistia, non l’hanno neanche scritto! 
- (risata) - 
Sono uscito, … ma lì, ma lì, eccezionale! No, ma perché… 
Io ho sparato un colpo così e un colpo in giù, ma il colpo è andato in questa direzione, è andato qui, e ha preso la gamba sua, che era … steso, passando attraverso la carlinga. 
E poi, non so sé qualcuno qui ha fatto il servizio, chi ha fatto il servizio quando c’erano … inglese, ecc. Carabina, va bene… Pallottola trenta zero tre, trenta zero tre, … di legno…
Allora, dov’è ‘sto whisky?
TRADUCTION (17h30'). Victor-Emmanuel de Savoie s’adresse à ses interlocuteurs :
Je peux vous dire qu’Isolabella (Lodovico Isolabella, son avocat dans l’affaire Valettopoli, que l’accusation a fini par laisser tomber pour preuves insuffisantes. NdT) est venu à Paris assister à mon procès, le procès, même si j'étais en tort, en tort, pour être...

Parce que là, c’est oui ou c’est non, d'abord ils m’ont saisi, encore à moi… alors j’ai changé six des jurés, parce que j’avais le droit, s’ils ne me plaisaient pas, de les changer

J'avais une batterie d'avocats... ah, comment mon avocat s’appelait-il donc ?... il avait trouvé... puis j'ai été mis en probation
(sursis avec mise à l’épreuve, je suppose), pendant un an et demi, donc c’est à partir de là que nous avons commencé, et je dois dire que je les ai bien eus, vraiment génial, plus une vingtaine de témoins, et d’autres personnalités publiques importantes, le parquet avait demandé cinq ans et demi, mais j'étais sûr de gagner, j'en étais plus que sûr, attendez, laissez-moi visualiser (la scène), maintenant on demande aux jurés qui se sont, on demande aux jurés de se retirer et de répondre sur trois points :
  1. Y a-t-il eu un acte volontaire de la part de Monsieur le prince de Savoie? 
  2. Monsieur le prince de Savoie est-il responsable de la mort (de Dirk Hamer)?
  3. Monsieur le prince de Savoie avait-il oui ou non une arme à feu ?
Ils se sont retirés, et deux heures plus tard ils sont revenus ... impressionnant
  1. Premier point : « Aucun acte volontaire de la part de Monsieur le prince de Savoie » 
  2. Deuxième point: « Monsieur le prince de Savoie n'est pas responsable de la mort de l'allemand » 
  3. Troisième point: « Oui, il avait une carabine datant d’avant-guerre »... 
Condamné à six mois avec sursis. Six mois : il y avait une amnistie, ils l’ont même pas transcrit (sur mon casier) ! 
- (rigolade) – 
Je suis sorti de là, vraiment génial ! Non, parce que…

J'ai tiré deux coups de fusil, un comme ça et l'autre vers le bas, mais le coup est parti dans cette direction, il est parti là et l'a touché à la jambe (incompréhensible)... en passant à travers la coque.

Et d’ailleurs, je sais pas si quelqu’un a fait le service
(militaire), avez-vous fait le service quand il y avait les … anglais, carabine, OK, cartouche calibre 30/03, 30/03, (crosse) en bois

Alors, il est où, ce whisky ?
En guise de sédatif, probablement...

Dans sa communication au Fatto, le prince conclut qu'il n'a jamais rien avoué du tout, que cette vidéo ne change rien, et qu'il s'en prendra à quiconque prétend le contraire. Si c'est lui qui le dit, croyons-le.

La sœur de Dirk Hamer est bien sûr de l'avis opposé : j'ai gagné ma bataille, dorénavant ce monsieur ne pourra plus prétendre que ce n'est pas lui qui a tiré sur mon frère...

Ajoutons que dans un compte-rendu d'audience de l'époque, le journaliste belge Jacques Cordy se demandait : « Il est vrai que l'acquittement pur et simple constitue une surprise; mais le doute a pesé sur les débats, et il doit jouer en faveur de l'accusé. »

Donc on ne peut que s'interroger : quid de la décision des jurés s'ils avaient pu voir cette vidéo ? Est-elle de nature à lever le doute, ou non ? La question est posée...

[1ère MàJ - 24 février, 10h10'] Le film est en ligne (inutile de voir si vous comprenez pas l'italien, même s'il y a un sous-titrage) ! Au cas où, je l'ajoute en P.S.

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Billet original

* * *
En 1996, Libération titrait : Son Altesse ne saurait être meurtrière. Victor-Emmanuel de Savoie définitivement blanchi de la mort d'un touriste.

Dix ans plus tard, en 2006, l'héritier contrarié de la couronne d'Italie est emprisonné une semaine à Potenza dans le cadre d'une enquête où le membre n° 1621 de la Loge P2 est accusé de faire partie d'un réseau de délinquants, de corruption et d'exploitation de la prostitution (associazione a delinquere, corruzione e sfruttamento della prostituzione) (affaire qui s'est terminée sur un non-lieu). Les enquêteurs mettent sa cellule sous surveillance en installant une caméra cachée.

Or l'enregistrement, publié aujourd'hui-même sur le site du Fatto Quotidiano, reprend Son Altesse le prince de Savoie en train de se vanter auprès de ses "compagnons de cellule" d'être bien le coupable et d'avoir réussi à s'en sortir dans le procès-farce qui s'est déroulé en France.
J'ai tiré deux coups de fusil, un comme ça et l'autre vers le bas, mais le coup est parti dans cette direction et l'a touché à la jambe (incompréhensible)... en passant à travers la coque. 
“Io ho sparato un colpo così e un colpo in giù, ma il colpo è andato in questa direzione, è andato qui e ha preso la gamba sua, che era (parola incomprensibile, ndr) steso, passando attraverso la carlinga”.
Il précise même qu'il s'agissait d'une cartouche calibre 30/03 (“Pallotola trenta zero tre”). Et d'ajouter :
Au procès, même si j'étais en tort, en tort, ... je les ai bien eus !
“il processo, anche se io avevo torto ... torto...”, “Devo dire che li ho fregati...”
L'histoire de l'involontaire "confession" avait déjà fuité en 2006, mais uniquement l'enregistrement voix, et Son Altesse avait convoqué vite fait une conférence de presse en jurant ses grands dieux que ses déclarations avaient été manipulées et que tout ça était faux :
“Queste notizie sono talvolta manipolate o non sono vere. Ma ora è il momento di parlare, di far emergere la verità”. “Due tribunali francesi si sono pronunciati prosciogliendomi da ogni responsabilità. Lo hanno fatto perché ci sono prove chiare. La pallottola che ha colpito il ragazzo non poteva essere del mio fucile. Qualcuno ha sparato con una pistola a quel povero ragazzo, ecco la verità”.
Or en découvrant cette histoire, Birgit Hamer, la sœur de Dirk - décédé dans des souffrances atroces le 7 décembre 1978, à 19 ans, après une agonie de 111 jours, 19 opérations et l'amputation de la jambe (les secours n'auraient pas été appelés suffisamment tôt après l'incident, ce qui a compromis sérieusement une blessure déjà grave) -, se dit au contraire que si ces "aveux" étaient authentiques et textuels, ils mettraient le mot "fin" à cette histoire, puisqu'il serait alors “impossible de nier qu'en dépit de son acquittement, Victor-Emmanuel de Savoie est bien le seul et unique responsable de la mort de son frère”.

Elle se lance donc dans des recherches et découvre qu'il existe un enregistrement filmé déposé aux actes de la nouvelle affaire. Et après pratiquement trois ans et une requête de son avocat ainsi motivée :
Mme Hamer a le droit, garanti par notre Constitution, de connaître la vérité sur la mort de son frère (“La signora Hamer ha il diritto costituzionalmente garantito alla verità sulla morte del fratello”)
elle finit par recevoir le film, qu'elle regarde avec horreur, mais soulagement, 33 ans après !

L'héritier contrarié à la couronne d'Italie y rit grassement, apparemment content de s'en être sorti à si bon compte. Il rigolera probablement moins maintenant que la vidéo fera le tour d'Internet. Je la posterai en P.S. dès qu'elle sera en ligne. En attendant, l'info commence déjà à être reprise sur le Web italien, mise en une de Dagospia, qui ne fait pas dans le sobre en criant : ASSASSIN !

j'enlève la photo car le site Dagospia l'a mise en ligne et retirée dans la matinée...

Il faut dire que Roberto D'Agostino, éditeur du site, avait été condamné en 2006 à verser 50 000 euros pour diffamation parce qu'il avait traité Son Altesse d'assassin à la suite des premières révélations... Qui seront plus dures à réfuter aujourd'hui !



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P.S. Il y a sur l'édition d'aujourd'hui du Fatto Quotidiano, dans l'article signé Béatrice Borromeo, une photo de Dirk et de sa sœur à l'hôpital, où lui regarde l'objectif, qui est vraiment très touchante.



Le Fatto signale également une interview donnée au début des années 1980 par le prince à Enzo Biagi, où il raconte sa "version" expurgée en déclarant qu'il est totalement en paix avec sa conscience (mais que tout ça est dommage pour le "pauvre garçon" et pour sa famille) : intéressant aujourd'hui de comparer les deux...



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samedi 19 février 2011

Eolas ... le juge avait tort !

Dans un billet publié en avril 2008, Maître Eolas, avocat de son état, se posait la question suivante : "Affaires Fuzz, Dicodunet, lespipoles et autres : et si le juge avait raison ?".

J'avais été interpellé par le ton du Maître qui s'en prenait de haut à la "secte du kiosque à journaux" :
Ha, l'analogie du kiosque à journaux. J'espère que celui qui a inventé la comparaison l'a déposé à l'INPI, il a des redevances à toucher. Comment espérez-vous comprendre si la première chose que vous faites est de changer les données du problème ? C'est assez amusant de voir qu'au reproche fait au juge de ne pas avoir compris les données technique se joint la comparaison d'un site internet à un kiosque à journaux (le trottoir, c'est le réseau, la chaussée le haut-débit, et les poubelles des pages 404, c'est ça ?). La seule réponse que j'ai à vous faire est : un site internet n'est pas un kiosque à journaux. C'est tout.
Ce à quoi je répondais, en commentaire :
On peut tout aussi bien dire avec le même aplomb : "un agrégateur n'est pas un éditeur. C'est tout."

Car si la jurisprudence naissante semble s'orienter sur l'équation agrégateur-blogueur = éditeur au seul motif d'afficher un lien sur lequel à la limite ils n'ont aucun contrôle, ni sur le contenu dudit ni sur son affichage (je rappelle quand même, s'il en était besoin, que s'abonner à un flux signifie être alimenté automatiquement par un flux - d'où le nom - d'infos, chose qui est loin d'être une lapalissade et qui a des conséquences évidentes, ou pour le moins qui devraient l'être, dans l'affaire Fuzz), en mettant indifféremment tout le monde dans le même panier - Dicodunet, Wikio, Fuzz et les autres, alors qu'en l'espèce aucun cas ne se ressemble -, j'ai la nette impression que cette orientation est due davantage à une sorte d'émulation, pour ne pas dire flemme intellectuelle, en vertu de quoi les juges ne font que répéter la même chose que le précédent sans vraiment prendre en considération ni les spécificités du cas particulier ni le texte de la LCEN, qui énonce exactement le contraire, comme je le dis dans mon billet.
 
Il est vrai que la LCEN ne prend pas du tout en compte ce que devrait être un éditeur, et encore moins un agrégateur, donc il est plus facile pour les juges de s'engouffrer dans ce vide juridique en disant que l'un égale l'autre sans qu'aucune loi ne dise encore, en 2008, ce qu'est un éditeur ou un agrégateur sur Internet.

Du grand n'importe quoi, tout ça.
N'ayant pas répondu à mon commentaire, il répondit à mon billet dans "Affaires Fuzz et autres, réplique à Adscriptor", en commençant ainsi :
Je ne pensais pas pouvoir y répondre rapidement vu sa longueur, mais en fait, il s'avère que la partie argumentative, au demeurant intéressante, peut se résumer aisément, le reste n'étant que des scories atrabilaires contre le droit, accusé d'être contraire au “bon sens”, comprendre celui de Jean-Marie Le Ray, ou votre serviteur, accusé de n'être qu'un valet dudit droit. L'auteur me pardonnera de passer rapidement sur ces paragraphes qui n'ont d'autre intérêt que lui permettre de passer ses nerfs, et lui conseiller amicalement de se relire et élaguer la prochaine fois avant de poster, par respect pour son lectorat et surtout son interlocuteur, faute de quoi ce dialogue risque de terminer prématurément.
Et en terminant sur cette gentillesse :
Qu'il suffise de se rappeler que le droit s'apprend à l'université, et le bon sens, au bistro.
Ce qui me semble un peu dédaigneux, autant comme entrée en matière que comme conclusion ! Un peu trop, même. D'où ma riposte et la coda plutôt vénéneuse. Mais après ces aménités, il m'était difficile de croire Eolas lorsqu'il prétend :
... chaque fois que j'aborde les affaires Fuzz, Wkio et autres, désormais, j'attire l'attention de gens dont le comportement me déplaît profondément. Je ne parle pas pas de vous, dont la courtoisie est sans faille, hormis quelques moments d'échauffement aussi brutaux dans leur montée que dans leur redescente ; mais vous semblez apprécier leur compagnie. Je vous les laisse volontiers.

Mon blog, ai-je la prétention de croire, est un lieu de dialogue, de confrontation d'idées. Les controverses peuvent être vives. Les piques sont monnaies courantes, mais l'honnêteté intellectuelle est de de rigueur. Ceux qui n'ont ni le talent pour les premières ni les capacités des secondes ne sont pas les bienvenus. Or parler de ce sujet les attire comme des mouches, et je suis las.
Or après que la Cour d'appel ait infirmé la décision du juge des référés, en considérant :
Que c’est l’internaute qui utilisant les fonctionnalités du site, est allé sur le site source de l’information, www.célébrités-stars.blogspot.com, a cliqué sur le lien, l’a recopié sur la page du site de la société Bloobox Net avant d’en valider la saisie pour le mettre effectivement en ligne sur le site www.fuzz.fr et a rédigé le titre ; qu’ainsi, l’internaute est l’éditeur du lien hypertexte et du titre ;

Que le fait pour la société Bloobox Net créatrice du site www.fuzz.fr de structurer et de classifier les informations mises à la disposition du public selon un classement choisi par elle permettant de faciliter l’usage de son service entre dans la mission du prestataire de stockage et ne lui donne pas la qualité d’éditeur dès lors qu’elle n’est pas l’auteur des titres et des liens hypertexte et qu’elle ne détermine pas les contenus du site, source de l’infirmation, www.célébrités-stars.blogspot.com que cible le lien hypertexte qu’elle ne sélectionne pas plus ; qu’elle n’a enfin aucun moyen de vérifier le contenu des sites vers lesquels pointent les liens mis en ligne par les seuls internautes ;

Qu’au vu de ce qui précède, il résulte que la société Bloobox Net ne peut être considérée comme un éditeur au sens de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, sa responsabilité relevant du seul régime applicable aux hébergeurs ;

Considérant qu’à l’exception de certaines diffusions expressément visées par la loi relatives à la pornographie enfantine, à l’apologie des crimes contre l’humanité et à l’incitation à la haine raciale que l’hébergeur doit, sans attendre une décision de justice, supprimer sa responsabilité civile ne peut être engagée du fait des informations stockées s’il n’a pas effectivement eu connaissance de leur caractère illicite ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer les données ou en rendre l’accès impossible ;

Qu’il appartient à celui qui se plaint d’une atteinte à ses droits d’en informer l’hébergeur dans les conditions de l’article 6-l-5° de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 ; que dès cette connaissance prise, l’article 6-I-2 de la loi impose à l’hébergeur d’agir promptement” ; qu’en l’espèce, M. Olivier M. n’a adressé à la société Bloobox Net aucune mise en demeure en ce sens avant de l’assigner ;
un jugement confirmé en Cassation :
... attendu que la cour d’appel qui a relevé que l’activité de la société Bloobox-net, créatrice du site www.fuzz.fr, se bornait à structurer et classifier les informations mises à la disposition du public pour faciliter l’usage de son service mais que cette société n’était pas l’auteur des titres et des liens hypertextes, ne déterminait ni ne vérifiait les contenus du site, en a exactement déduit que relevait du seul régime applicable aux hébergeurs, la responsabilité de ce prestataire, fût-il créateur de son site, qui ne jouait pas un rôle actif de connaissance ou de contrôle des données stockées ;
il me semble, modestement, que les jugements d'Appel et de Cassation ont finalement rejoint mon raisonnement :
Là où le raisonnement de Jean-Marie Le Ray est erroné est qu'il n'accepte que l'hypothèse d'une responsabilité immédiate, conséquence directe d'une faute, toute autre hypothèse étant invalidée comme “contraire au bon sens”, ce qui est un peu léger dans un débat qui, ne lui en déplaise, est essentiellement juridique. Selon Jean-Marie Ray, seule la personne ayant publié une information illicite comme résultat d'un acte volontaire (donc soit le site qui rédige l'original de l'article soit l'usager qui le reprend sur Fuzz) seraient responsable de son contenu. Tous ceux qui reprendraient la nouvelle mécaniquement (Wikio) ou offriraient à quiconque les moyens de la faire figurer sur leur site (Fuzz) seraient irresponsables car ils n'auraient pas commis de faute ; tout au plus auraient-ils fait encourir le risque à des victimes de contenus illicites de donner une chambre d'écho à ces contenus, sans qu'on puisse les en blâmer parce qu'ils ne sont au courant de rien. Le triomphe de l'autruche, en somme.
Comme quoi le débat "essentiellement juridique" peut aussi fort bien s'accommoder du bon sens. Une façon comme une autre de rapprocher les bancs de l'université et du bistro.

Eolas, désolé, mais le juge avait tort, et vous aussi par la même occasion. Ça arrive parfois, même aux meilleurs.


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P.S. Qu'il me soit permis de remercier ici Pierre Chappaz, qui a assuré de son soutien Eric Dupin dans cette longue bataille. J'aime particulièrement sa conclusion :
C'est le bon sens qui a gagné.

Liens connexes : série de billets publiés en 2008 sur les questions flux RSS, Fuzz, LCEN, etc.
  1. Flux RSS : la jurisprudence en marche... (18 mars)
  2. Olivier Martinez, l'acteur le plus en vue du moment (20 mars)
  3. Olivier Martinez et la vieille Dame (28 mars)
  4. Affaire Martinez/Fuzz : un jugement critiquable (30 mars)
  5. Eolas et la Secte du Kiosque à Journaux (19 avril)
  6. Eolas – Adscriptor : riposte (23 avril)
  7. L'affaire Martinez - Gala (27 avril)
  8. LCEN : les juges détournent-ils la loi ? (7 septembre)
  9. LCEN : entendons-nous sur les mots ! (8 septembre)
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mardi 1 février 2011

L'OTAN et la démocratie

Billet "historique et prospectif", sans prétention aucune, mais long à lire...

Transitions
Yalta
La « doctrine Truman »
La « doctrine Truman » en Italie
L'Occident exportateur de démocratie...
Discours d'Obama au Caire
Post-Scriptum


* * *
Transitions

Dans un récent article de Jacques Attali, intitulé Transitions, je lis ceci :
Comment alors s’étonner que les peuples se retournent contre les démocraties qui les ont négligés ?

Pour aider à ces transitions, une solution simple serait de créer une nouvelle institution internationale, regroupant toutes les nations bénéficiant de la démocratie, revendiquant un devoir d’ingérence, et se donnant les moyens d’aider à la liberté politique, en fournissant aux peuples soumis des moyens spécifiques pour y soutenir la liberté de la presse, les partis politiques, les ONG, la lutte contre la pauvreté, et contre la corruption. Les embryons d’une telle institution existent : en économie, les démocraties sont rassemblées dans l’OCDE. En matière militaire, dans l’OTAN. Même si ce n’était pas, au départ, la raison d’être de ces deux institutions.
C'est moi qui graisse, car cette pensée selon laquelle, en matière militaire, les démocraties seraient rassemblées dans l’OTAN, m'interpelle particulièrement : au mieux je la trouve totalement saugrenue, au pire extrêmement trompeuse, voire dangereuse.

À vrai dire, j'ai commencé à m'intéresser à l'OTAN depuis que j'étudie de près l'histoire de l'Italie, et notamment les conséquences de l'influence de l'OTAN sur la situation que nous connaissons aujourd'hui (dont Silvio Berlusconi n'est qu'une excroissance tératologique, il faut bien l'avouer...).

Or la réflexion est d'importance, puisque si les États-Unis d'Amérique refont avec l'islamisme, en ce début de siècle, ce qu'ils ont fait avec le communisme à partir de la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, alors il est sûr et certain que le monde va droit dans le mur...

Je signale en outre que, dans le cadre de ce billet, j'identifie l'OTAN avec les États-Unis d'Amérique, car indépendamment du nom, la substance ne change pas !

Personnellement, je fais remonter la genèse de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord à Yalta, sur les bords de la mer de Crimée, où Winston Churchill, Franklin D. Roosevelt et Joseph Staline se réunirent en secret du 4 au 11 février 1945 pour décider de l’avenir du monde et prévoir la formation de gouvernements démocratiques dans l’Europe libérée...

(Ce qui suit est extrait du préambule de mon essai sur la République Italienne, commencé en début d'année dernière - et interrompu depuis en raison de l'absence totale d'intérêt d'un éditeur potentiel -, en vue du 150e anniversaire de l'Unité d'Italie, qui sera célébré le mois prochain : la date "officielle" est le 17 mars 2011, puisque le Royaume d’Italie fut proclamé par le comte de Cavour le 17 mars 1861...) [Début]


* * *

Voici un extrait du communiqué de presse publié le 11 février 1945 pour annoncer les accords de Yalta :

V. - Déclaration sur l’Europe libérée

« Le président du Conseil des Commissaires du Peuple de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, le Premier ministre du Royaume-Uni et le Président des États-Unis d’Amérique se sont consultés concernant les intérêts communs des peuples de leurs propres pays et de ceux de l’Europe libérée. Ils déclarent qu’ils sont d’accord pour coordonner, pendant la période temporaire d’instabilité politique en Europe libérée, la ligne de conduite adoptée par leurs trois gouvernements pour aider les peuples libérés de la domination de l’Allemagne nazie et les peuples des anciens satellites de l’Axe en Europe, à résoudre par des moyens démocratiques leurs difficultés politiques et économiques urgentes.

Le rétablissement de l’ordre en Europe et la reconstruction de la vie économique nationale devront être réalisés par des méthodes qui permettront aux peuples libérés d’effacer les derniers vestiges du nazisme et du fascisme et de se donner des institutions démocratiques de leur propre choix. C’est un des principes de la Charte de l’Atlantique que tous les peuples ont le droit de choisir la forme de gouvernement sous laquelle ils entendent vivre et que les droits souverains et l’autonomie, dont ils ont été dépossédés de force par les pays agresseurs, doivent leur être restitués.

Afin de favoriser les conditions dans lesquelles les peuples libérés pourront exercer ces droits, les trois gouvernements prêteront conjointement leur aide aux peuples des États libérés d’Europe ou des anciens satellites de l’Axe, chaque fois qu’il sera nécessaire, en raison de la situation :
  1. d’assurer la paix intérieure du pays ;
  2. de prendre des mesures d’urgence pour soulager la détresse de la population ;
  3. d’installer des gouvernements provisoires dans lesquels seront largement représentés tous les éléments démocratiques de la population qui devront, par voie d’élections libres, constituer aussi rapidement que possible des gouvernements répondant à la volonté populaire et enfin de faciliter, si besoin en est, de telles élections.
Les trois gouvernements consulteront les autres Nations Unies et les gouvernements provisoires ou autres en Europe lorsqu’il s’agira d’examiner des questions les intéressant directement.

Lorsque, de l’avis de trois gouvernements, la situation dans un État européen libéré ou dans un ancien État satellite de l’Axe en Europe l’exigera, ils se consulteront immédiatement sur les mesures qu’ils devront prendre pour s’acquitter des responsabilités communes exposées dans la présente déclaration.

Nous réaffirmons ici notre foi dans les principes de la Charte de l’Atlantique, nous confirmons les engagements pris par nous dans la déclaration des Nations Unies et notre résolution d’édifier, en coopération avec les autres nations pacifiques, un ordre mondial régi par le droit et consacré aux intérêts de la paix, de la sécurité, de la liberté et de la prospérité commune.

En publiant cette déclaration, les trois puissances expriment l’espoir que le Gouvernement provisoire de la République française pourra bientôt se joindre à elles dans l’exécution du programme ci-dessus exposé. »

Donc si l’on peut dire que les accords de Bretton Woods, signés le 22 juillet 1944 aux États-Unis, ont tracé les grandes lignes économiques du système financier international après la Seconde Guerre mondiale, il est clair que les accords de Yalta ont dessiné, pour le bien et pour le mal, les nouvelles frontières politiques de l’après Guerre.

La référence faite à la Charte de l’Atlantique du 14 août 1941, qui « entreprend de jeter les fondements d’une nouvelle politique internationale » et servira de base aussi bien à la Déclaration des Nations unies (signée le 1er janvier 1942 par les représentants de 26 pays en guerre contre l’Allemagne) qu’à la Charte des Nations unies (signée le 26 juin 1945) réaffirme d’ailleurs l’espoir d’un « avenir meilleur pour le monde », et notamment le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

Voici pour les grands principes. [Début]

Passons maintenant à la pratique.

Un article publié dans le Monde du 14 février 1945, intitulé « La conférence de Yalta », observe :
À l’issue de la conférence de Yalta, qui a duré huit jours pleins, MM. Churchill, Roosevelt et le maréchal Staline ont publié un communiqué qui est un compte rendu détaillé de leurs travaux. Tous les grands problèmes de la guerre et de la paix y sont abordés, sinon résolus, et si les clartés qu’on nous donne laissent encore subsister bien des ombres, c’est que dans le stade actuel de la guerre tout ne pouvait être réglé et, vraisemblablement, ce qui était réglé ne pouvait toujours être dit.
Or c’est dans l’espace aussi infini qu’indéfini de ce non-dit que s’ébauche l’histoire de la Ie République « démocratique » d’Italie !

Un pays dont il faut bien cerner la situation géopolitique au sortir de la guerre : un pays vaincu à la frontière du bloc occidental, en plein cœur d’une zone formée de l’Europe de l’Ouest, de la Méditerranée et du Moyen Orient, un pays absolument stratégique pour les États-Unis.

Lesquels ont parfaitement compris l’émergence du monde bipolaire qui s’annonce, avec le choc titanesque des deux blocs – capitaliste vs. communiste – sur fond de guerre froide.

Un nouveau cadre historique parfaitement théorisé par les États-Unis dans la « doctrine Truman », exposée par Harry Truman devant le Congrès américain le 12 mars 1947, et par l’URSS dans la « doctrine Jdanov », présentée le 22 septembre 1947 par le 3e secrétaire du Parti communiste de l'Union soviétique, dont la lecture, une fois expurgée de toute la propagande idéologique, n’est pas dénuée d’intérêt. Notamment au point III. Le plan américain d’asservissement de l’Europe :

La politique extérieure expansionniste, inspirée et menée par la réaction américaine, prévoit une activité simultanée dans toutes les directions :
  1. Mesures militaires stratégiques ;
  2. Expansion économique ;
  3. Lutte idéologique.
(…)
Le plan militaire stratégique des États-Unis prévoit la création, en temps de paix, de nombreuses bases et places d'armes, très éloignées du continent américain et destinées à être utilisées dans des buts d'agression contre l'U.R.S.S. et les pays de la nouvelle démocratie. Les bases américaines militaires, aériennes et navales, existent ou sont de nouveau en voie de création en Alaska, au Japon, en Italie, au sud de la Corée, en Chine, en Égypte, en Iran, en Turquie, en Grèce, en Autriche et en Allemagne occidentale.
(…)
L’une des lignes de la « campagne » idéologique qui accompagne les plans d’asservissement de l’Europe est l’attaque contre les principes de souveraineté nationale, l’appel à renoncer aux droits souverains des peuples, auxquels on oppose l’idée d’un « gouvernement mondial ». Le sens de cette campagne consiste à embellir l’expansion effrénée de l’impérialisme américain qui, sans cérémonie, porte atteinte aux droits souverains des peuples, et à présenter les États-Unis dans le rôle de champion des lois humaines, tandis que ceux qui résistent à la pénétration américaine sont présentés en partisans d’un nationalisme « égoïste » périmé.
(…)
La « doctrine Truman » et le « plan Marshall » sont, dans les conditions actuelles aux États-Unis, l’expression concrète des efforts expansionnistes. Au fond, ces deux documents sont l’expression d’une même politique, bien qu’ils se distinguent par la forme sous laquelle y est présentée une même et seule prétention américaine d’asservir l’Europe.

En ce qui concerne l’Europe, les principales lignes de la « doctrine Truman » sont les suivantes :

  1. Création de bases américaines dans la partie orientale du bassin méditerranéen, afin d’affermir la domination américaine dans cette zone ;
  2. Soutien démonstratif des régimes réactionnaires en Grèce et en Turquie, etc.
Car il est clair qu’après la guerre, les États-Unis réorientent dans un axe strictement anticommuniste les priorités de leur politique étrangère, et pour ce faire ils vont faire appel aux services et à l’anticommunisme viscéral des (ex-) fascistes dont l’Europe est pleine (mais pas seulement, puisqu’il en ira de même au Japon et en Amérique latine), amnistiés et réhabilités pour l’occasion.

D’où le soutien affiché ou latent aux dictatures de droite partout dans le monde, mais aussi l’utilisation massive des militants d’extrême-droite et, dans le cas spécifique à l’Italie, des membres de la mafia.

Autant d’affirmations qui ne sont pas des supputations, mais des vérités historiques largement documentées : c’est la politique d’endiguement (containment) préconisée par la « doctrine Truman » pour stopper l'expansion de la zone d'influence soviétique et contrer les États susceptibles d'adopter le communisme, que la doctrine antagoniste de Jdanov nomme politique extérieure expansionniste et impérialiste, dont il identifie les trois principaux axes d’intervention :
  1. Mesures militaires stratégiques, notamment avec la création de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et l’installation en Belgique de son commandement militaire – le SHAPE...
  2. Expansion économique,
  3. Lutte idéologique.
[Début]
* * *
J'arrête là la citation de mon livre pour en revenir à mon blog, et notamment au billet Obama vs. Berlusconi, où j'indique dans quels documents du National Security Council (NSC) on retrouve trace de cette "doctrine Truman" appliquée à l'Italie :
  1. Le document NSC n° 1/3 du 8 mars 1948, à la veille des élections cruciales du 18 avril suivant, pose directement le problème de la possible conquête du pouvoir par les communistes « par des moyens légaux », auquel cas les États-Unis devraient immédiatement répondre, y compris en fournissant une assistance financière et militaire à la base anti-communiste italienne. N'oublions pas que le 3 avril 1948, le congrès américain adoptait le plan Marshall pour la reconstruction de l'Europe après la deuxième guerre mondiale.
  2. Le document NSC n° 10/2 du 18 juin 1948 affirme que les activités officielles à l'étranger seraient accompagnées d'opérations "couvertes" pour qu'il ne soit pas possible de remonter à la responsabilité du Gouvernement des États-Unis.
  3. Le document NSC n° 67/3 du 5 janvier 1951 (indisponible dans son intégralité, aujourd'hui encore, puisqu'une bonne partie reste sous secret militaire), prévoit explicitement des initiatives des États-Unis « pour empêcher la prise du pouvoir par les communistes. »
C'est le programme tout tracé de la stratégie de la tension, qui avait pour but délibéré non seulement d'installer un climat de violence politique afin de favoriser l'émergence d'un état autoritaire, mais aussi et surtout de faire en sorte que des attentats exécutés par des néofascistes et des subversifs d'extrême droite fussent faussement attribués aux réseaux gauchistes.
Par conséquent, je ne saurais faire ici le décompte de tous les régimes autoritaires (pour employer un euphémisme) ouvertement soutenus ou mis en place dans le monde depuis 1945 par les États-Unis [Grèce, Portugal et Espagne en Europe, combien de pays en Amérique latine ? quant au Japon et à l'Italie ("démocratie à souveraineté limitée"), ils mériteraient un chapitre à part entière (lire aussi, 134 milliards de dollars - l'opération Lys d'Or et le Traité de Versailles !)], au nom d'une Realpolitik dont Henry Kissinger fut l'un des principaux artisans, mais le fait est qu'on pourrait la qualifier de politique NIMBY, qui a simplement consisté à combattre un totalitarisme par des dictatures...

Ni plus ni moins. L'important était que tout cela se passât loin des États-Unis ! [Début]

* * *
L'Occident exportateur de démocratie...

Or plus de deux décennies après l'écroulement du Mur de Berlin rien n'a changé, au contraire, puisque ce qui fut hier l'affrontement de deux mondes - communisme vs. capitalisme -, redevient aujourd'hui l'affrontement de deux nouveaux blocs, encore plus vastes mais aux contours moins bien définis : intégralisme islamique vs. occident exportateur de démocratie, avec une fois de plus l'Europe à la traîne des États-Unis...

Comme si l'histoire millénaire et tragique des Guerres de religion ne pouvait rien enseigner au présent !

Mais des États-Unis en déclin, contrairement à la position qui était la leur à la fin de la Deuxième Guerre mondiale (ils étaient alors considérés comme des libérateurs et leur suprématie n'était pas remise en cause, sauf par l'URSS), et qui n'ont probablement plus les moyens de leurs ambitions : dans ce cadre, poursuivre aujourd'hui la même logique que celle déployée hier contre l'anticommunisme, pour combattre l'intégralisme islamique par d'autres dictatures serait une ERREUR POLITIQUE phénoménale !

Hier, en dépit des intentions proclamées au grand jour de permettre « aux peuples libérés » « de se donner des institutions démocratiques de leur propre choix », les vainqueurs tramaient dans l'ombre « pour empêcher la prise du pouvoir par les communistes », y compris « par des moyens légaux », à savoir par la « voie d’élections libres ».

Une violation évidente des principes de la Charte de l’Atlantique selon lesquels « tous les peuples ont le droit de choisir la forme de gouvernement sous laquelle ils entendent vivre » et « que les droits souverains et l’autonomie ... doivent leur être restitués », tout comme de l'élémentaire « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », réaffirmé dans la Charte des Nations unies.

Quant à l’espoir d’un « avenir meilleur pour le monde », dans le sillage d'un « ordre mondial régi par le droit et consacré aux intérêts de la paix, de la sécurité, de la liberté et de la prospérité commune », je ne pense pas qu'aucun gouvernement occidental aurait aujourd'hui l'impudence de prétendre exporter le "modèle démocratique" à toutes les nations de la terre, ni l'inconscience de dire aux peuples révoltés (ou en passe de l'être), d'Égypte, de Tunisie, du Maroc, d'Algérie, d'Albanie, d'Afghanistan, de Libye, de Syrie, de Jordanie, du Liban, du Soudan, du Yemen et d'ailleurs, que mieux vaut, pour leur propre bien, leur imposer une dictature - d'autant plus facile à manipuler qu'elle sera corrompue -, plutôt que de reconnaître leur droit légitime à l'autodétermination.

Pratiquement, ce sont les principaux pays de la Ligue arabe qui sont en ébullition !

Et quand Israël, enserré dans l'étau de la liberté exprimé par le réveil du monde arabe, s'entête en ­pressant Washington ­et l'Europe ­de ­soutenir Moubarak envers et contre tout, sous prétexte que sans Moubarak ce sera la guerre, en allant jusqu'à fournir en ce moment-même du matériel militaire au régime à l'agonie, je pense que là encore Israël commet une ERREUR POLITIQUE majeure qui va exactement à l'encontre des intérêts que son État prétend défendre...

Car après, « comment alors s’étonner que les peuples se retournent contre les démocraties qui les ont négligés ? »

Je suis évidemment heureux que l'Amérique ait empêché hier l'expansion du totalitarisme communiste, mais cela ne veut pas dire que les moyens discutables qui furent employés soient transposables à la réalité d'aujourd'hui. Car sur les plateaux de la balance d'un monde juste, les bénéfices obtenus dans l'immédiat ou à moyen terme compenseront-ils les dommages sur le long terme ?

On l'observe avec l'Italie de Berlusconi : après des décennies de souveraineté limitée, nous voyons ces jours-ci une majorité du pays sans plus aucune conscience critique, incapable de réagir à un régime au moins aussi déclinant que celui de ses "amis" Moubarak, Ben Ali, etc., où la population regarde avec envie ce qui se passe à Tunis ou au Caire et assiste à la révolte / révolution de ces pays au sang neuf, en se demandant dépitée pourquoi cette apathie d'une opinion publique sous hypnose, frappée d'un syndrome de Stockholm tout à fait incompréhensible aux yeux des observateurs étrangers.

Donc même si je ne demande qu'une chose (que la réalité des faits démente mon analyse), il est clair que la démocratie ne s'exporte ni ne s'impose, elle se conquiert par la base et par la libre volonté des peuples.

Nous verrons d'ailleurs si le peuple italien, à la veille de célébrer les 150 premières années de son "unité", aura la maturité nécessaire pour éradiquer le cancer berlusconien afin de repartir sur de nouvelles bases, une maturité qui lui a manqué au début des années 90...

Mais "accompagner" ici et là ces transitions en créant une nouvelle institution internationale, regroupant toutes les nations bénéficiant de la démocratie, revendiquant un devoir d’ingérence, et se donnant les moyens d’aider à la liberté politique, en fournissant aux peuples soumis des moyens spécifiques pour y soutenir la liberté de la presse, les partis politiques, les ONG, la lutte contre la pauvreté, et contre la corruption, me semble un pari extrêmement risqué, en ce sens qu'il se fonde sur le postulat d'une "vérité" dont l'histoire a montré qu'elle était loin d'être acquise !

Sûrement vaudrait-il mieux essayer d'inventer de nouvelles formes de "coopétition" entre les peuples, mais cela ne se fera jamais avec des politiques qui manquent d'imagination. [Début]

* * *
Cela me fait penser au discours précurseur tenu par Obama ... au Caire, c'était pas plus tard qu'en juin 2009 :


Les questions courageusement abordées par Obama sont :
  • l'extrémisme violent sous toutes ses formes
  • l'Afghanistan, le Pakistan, l'Iraq
  • la situation entre les Israéliens, les Palestiniens et le monde arabe
  • les droits et les responsabilités des nations sur la question des armes nucléaires
  • la démocratie
  • la liberté religieuse
  • les droits de la femme
  • l'intérêt commun à favoriser le développement et les opportunités économiques
Un discours qu'il vaudrait peut-être la peine de réanalyser en profondeur, vu ce qui se passe à présent et risque de se passer demain...

Pour conclure, je ne résiste pas à l'envie de vous en citer intégralement la fin :
Nous partageons tous cette planète pendant un court instant. À nous de décider si nous passons ce temps à nous concentrer sur ce qui nous sépare ou si nous nous engageons à faire ce qu'il faut - de façon soutenue - pour trouver un terrain d'entente, pour nous concentrer sur l'avenir que nous désirons pour nos enfants, et pour respecter la dignité de tous les êtres humains.

Tout ceci n'est pas simple. Il est plus facile de se lancer dans une guerre que de faire la paix. Il est plus facile de blâmer autrui que de s'examiner soi-même ; il est plus facile de voir ce qui nous distingue, plutôt que ce que nous avons en commun. Mais il faut choisir le bon chemin, et non le plus facile. Il y a une règle essentielle qui sous-tend toutes les religions : celle de traiter les autres comme nous aimerions être traités. Cette vérité transcende les nations et les peuples. C'est une croyance qui n'est pas nouvelle, qui n'est ni noire ni blanche ni basanée, qui n'est ni chrétienne ni musulmane ni juive. C'est une foi qui a animé le berceau de la civilisation et qui bat encore dans le cœur de milliards d'êtres humains. C'est la foi dans autrui et c'est ce qui m'a mené ici aujourd'hui.

Nous avons le pouvoir de construire le monde auquel nous aspirons, mais seulement si nous avons le courage de prendre un nouveau départ, en gardant à l'esprit ce qui a été écrit.

Le Saint Coran nous dit : « Ô hommes ! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. »

Le Talmud nous dit : « Toute la Torah a pour objectif de promouvoir la paix. »

La Bible nous dit : « Bienheureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu. »

Les habitants du monde peuvent cohabiter en paix. Nous savons que telle est la vision de Dieu. C'est maintenant notre tâche sur cette Terre. Je vous remercie et que la paix de Dieu soit avec vous.
Pour le reste, OTAN en emporte le vent... [Début]


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P.S. Je ne peux pas évoquer l'OTAN et l'Italie sans parler de la France, et notamment de la décision annoncée par le Général de Gaulle en 1966 :
« La France considère que les changements accomplis ou en voie de l’être, depuis 1949, en Europe, en Asie et ailleurs, ainsi que l’évolution de sa propre situation et de ses propres forces ne justifient plus, pour ce qui la concerne, les dispositions d’ordre militaire prises après la conclusion de l’Alliance. »

[La France] « se propose de recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté, actuellement entamé par la présence permanente d’éléments militaires alliés ou par l’utilisation habituelle qui est faite de son ciel, de cesser sa participation aux commandements intégrés et de ne plus mettre de forces à la disposition de l’OTAN ». Certes, elle « est disposée à s’entendre avec [ses alliés] quant aux facilités militaires à s’accorder mutuellement dans le cas d’un conflit où elle s’engagerait à leurs côtés ». Bref, elle « croit devoir, pour son compte, modifier la forme de [l’]alliance sans en altérer le fond ».
Nous avons donc là deux visions totalement opposées, avec une réaffirmation forte de la souveraineté nationale pour la France, face à une Italie à souveraineté limitée sans véritable géopolitique, à noter d'ailleurs que le pays accueille encore aujourd'hui, 65 ans après la fin de la guerre, plus d'une centaine de bases américaines sur son sol...

Or comme l'observait en 2008 Dominique Vidal : « Quatre décennies plus tard, comment ne pas être frappé par l’étonnante actualité de ces débats, mais aussi par la cohérence, sur la longue durée, de la pensée stratégique du général de Gaulle ? »

Et de conclure :
L’échappée belle n’aura qu’un temps. Après la démission, puis la disparition du général, ses successeurs – de Georges Pompidou à François Mitterrand – referont progressivement le chemin à l’envers. Et, comme pour préparer le trentième anniversaire de la lettre à Johnson, la France réintègrera, le 5 décembre 1995, le conseil des ministres et le comité militaire de l’OTAN. Héritier déclaré du général de Gaulle, le président Jacques Chirac ouvrira ainsi la porte à une réintégration de la France dans l’OTAN, que M. Nicolas Sarkozy cherche à parachever.
Une parenthèse gaulliste de 43 ans finalement refermée par Nicolas Sarkozy, qui a réintégré la France dans l’OTAN en 2009 : un "acte historique" n'ayant pas fait que des heureux, voir ici ou , par exemple...

J'ai été très frappé de lire un jour l'opération Sarkozy, écrit par Thierry Meyssan, article qui n'a pourtant pas fait l'objet, sauf erreur de ma part, d'une plainte en diffamation de la part de Sarkozy. Étonnant !

Or je ne connais pas Thierry Meyssan, je vois seulement qu'il fait l'objet d'attaques très violentes sur le Web, personnellement je n'ai aucune information le concernant qui pourrait m'induire à penser dans un sens ou dans l'autre, donc pour l'instant je préfère me baser uniquement sur les faits que je peux vérifier. Et les faits me disent que beaucoup des choses qu'il a écrites, notamment sur Stay-Behind et sur la situation du Japon au sortir de la guerre, sont entièrement recoupées par mes propres recherches sur l'histoire de l'Italie. Je ferai donc miens les mots de ce commentaire de Nelly : « C’est un article intéressant. S’il nous vient des doutes on peut toujours se renseigner, les informations ne manquent pas sur la toile. »

Article dans lequel il est également question de Frank Wisner Jr. - je note au passage -, actuel émissaire de Barack Obama auprès de Mubarak ("the exact wrong person to send", selon certains à Washington, et ailleurs) (du reste, cet ex-collaborateur de Kissinger, plus récemment lobbyiste en Égypte pour le compte de la firme Patton Boggs, membre du Directoire de la Banque Commerciale Internationale d'Égypte, a été rappelé dans la foulée !)...

Donc quand on met ensemble différents éléments, évidemment on se pose des questions. Mais ce n'est pas interdit, que je sache, et cela fait même partie de la normale dialectique démocratique. Alors que chacun se fasse son propre avis, du reste le discernement individuel devrait être ce qui distingue tout citoyen responsable...

Je vous encourage par conséquent à lire le réseau Voltaire sur la situation actuelle, cela devrait donner à chacun des arguments pour approfondir la situation. En tout cas, j'espère que le présent billet pourra fournir son apport et contribuer ainsi au débat général, vu que l'évolution de ce qui se passe ces jours-ci aura forcément un impact dans nos vies quotidiennes.

OTAN se faire une idée :-) [Début]

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