lundi 28 février 2011

Victor-Emmanuel de Savoie / Dirk Hamer : où est la vérité ?

I. Victor-Emmanuel de Savoie avoue : scoop du Fatto Quotidiano !
II. Victor-Emmanuel de Savoie / Dirk Hamer : le fusil du prince !
III. Victor-Emmanuel de Savoie / Dirk Hamer : où est la vérité ?


* * *
Dans un démenti "officiel" dont j'ai déjà parlé dans mon premier billet :


publié le 24 février, le prince de Savoie fait quelques affirmations intéressantes qu'il convient d'analyser de plus près. Mais voyons d'abord la traduction :
J'ai lu ce qu'a publié aujourd'hui en une "Il Fatto Quotidiano", à propos d'une vidéo qui ferait ressortir des faits nouveaux sur les événements tragiques ayant conduit à la triste disparition du jeune Dirk Hamer. Encore une tentative maladroite pour attaquer un citoyen, une fois de plus, en prétextant de faits déjà tirés au clair depuis des années. Des faits qui s'inscrivent dans une enquête menée en 2006 par le Ministère public Woodcock, dont j'ai été totalement acquitté au motif de « faits non avenus ».

Il s'agit là d'une pratique journalistique "à retardement", utilisée depuis longtemps déjà pour noircir les personnes qui ne sont pas en phase, si je puis dire, avec les souhaits d'un certain type de presse, présentant des infos qui finissent régulièrement par se dégonfler comme des ballons de baudruche tout en laissant des traces lourdes et douloureuses chez qui en est la victime, une pratique utilisée aujourd'hui par "Il Fatto Quotidiano".

L'examen du texte des conversations relatives à la vidéo diffusée ce jour par le journal en question, déjà retranscrites dans les actes de la police judiciaire et à disposition de la justice depuis longtemps, n'ajoutent pas une virgule à ce qui est notoirement connu, et font même ressortir l'état de difficulté évident dans lequel j'étais à cause de mon incarcération traumatisante et de la situation incompréhensible dans laquelle je me trouvais. J'ajoute que des doses importantes de sédatif m'avaient été administrées, nécessaires à cause de mon état d'anxiété, qui ont provoqué chez moi un grave état de confusion, chose prouvée par les analyses médicales effectuées à ma sortie de la prison de Potenza.

J'observe également que les phrases sont déconnectées les unes des autres, avec l'intercalage de longues parties où s'alternent pauses et mots incompréhensibles, ce qui rend impossible de lier les différents tronçons entre eux pour faire croire à la thèse de l'admission de culpabilité. J'observe en outre que la vidéo diffusée par “Il Fatto Quotidiano” résulte d'un montage artificiel faisant intervenir 7 tronçons différents pour tenter de donner un sens achevé aux phrases prononcées. Or tout cela a déjà été publié dans de nombreux journaux en 2006, et clairement expliqué dans les actes de différents procès.

Je souligne d'ailleurs que :

1) Les mots de la vidéo sont très fragmentés et incohérents, entrecoupés de longues pauses et de bouts d'enregistrement incompréhensibles, fruit d'un montage astucieusement assemblé.

2) Aucun mot ne ressort du contexte de la vidéo enregistrée, qui serait nouveau par rapport à ceux déjà connus et tirés au clair.

3) Aucun aveu de responsabilité ne ressort du contexte de l'enregistrement ni n'aurait jamais pu ressortir, puisqu'il n'y a jamais eu aucune responsabilité.

4) Chose dont la Cour d'assises de Paris fut bien consciente, puisqu'elle s'est exprimée sur la base de preuves objectives sans la moindre équivoque : expertises balistiques (qui ont prouvé, entre autres, que la balle qui a frappé la jambe de la victime était une balle de pistolet, et non pas de fusil) et nombreuses évaluations techniques.

Cette déplorable tentative de raviver des expériences humaines douloureuses en publiant des infos journalistiques visant à accréditer des faits qui ne sont pas vrais, trouvera les réponses les plus fermes devant les tribunaux compétents, et je précise du reste que le magistrat Henry John Woodcock avait transmis dès 2006 le film et la retranscription des écoutes au Ministère de la Justice français, qui avait lui "sèchement" et clairement répondu qu'aucune procédure ne pouvait être rouverte contre lui après un jugement de la Cour d'Assises de Paris, fondé sur des preuves objectives et sans équivoque de son innocence.

Difficile de comprendre, donc, pourquoi le journal en question veut relancer une histoire désuette et clarifiée, quel est le but ?

J'ai déjà mandaté Maître Francesco Murgia pour intenter toutes les actions nécessaires à l'encontre de quiconque voudra accréditer des faits ou des versions différent(e)s, ou encore insinuer qu'il y ait eu de ma part une reconnaissance de culpabilité pour les événements mentionnés, afin de rétablir la vérité des faits, si nécessaire, et de protéger mon innocence contre les diffamations de ceux qui citent les jugements comme des vérités uniquement lorsque ces vérités correspondent à leurs vues instrumentales.

Victor-Emmanuel
En premier lieu, puisque le prince parle beaucoup de "faits" dans sa note, voyons-les de plus près, ces "faits" :

- en décembre 1978, âgé de 19 ans, Dirk Hamer décède des suites d'une blessure à l'aine causée par un tir d'arme à feu, dont le prince avait reconnu dans un premier temps être responsable (déclaration rendue le 18 août 1978 à 7h du matin aux policiers Nowaczyk et Monet, du commissariat de Bonifacio, nous dit Birgit Hamer dans son livre) [Je soussigné, S.A.R. le Prince Victor-Emmanuel de Savoie, Comte de Sarre, né le 12 février 1937, à Naples (Italie). (...) Au moment où le deuxième coup fut tiré, j'avais la main sur la détente et le coup est parti accidentellement. À aucun moment je n'ai voulu tirer dans leur direction. Je reconnais les faits tels qu'ils se sont passés, en ce sens que j'assume mes propres responsabilités sur les blessures provoquées par cette balle perdue. Je vous remets le fusil et 29 cartouches. Je détiens un port d'armes dont voici une photocopie. (Al momento del secondo sparo la mia mano era sul grilletto e il colpo è partito accidentalmente. In nessun momento ho mai voluto sparare nella loro direzione. Riconosco i fatti per come si sono svolti, nel senso che mi assumo le responsabilità delle ferite causate da questa pallottola vagante. Vi consegno il fucile con 29 cartucce. Sono titolare di un porto d’armi di cui vi consegno fotocopia.)] ;
- en juillet 1992, 14 ans plus tard, le prince Victor-Emmanuel de Savoie est définitivement acquitté dans cette affaire, à l'issue d'un ultime recours en Cassation de la famille Hamer ;
- en juin 2006, alors que l'histoire est close depuis 14 ans et que personne ne lui demande rien, Victor-Emmanuel de Savoie déclare de façon totalement spontanée à ses compagnons de cellule (c'est lui qui mène la conversation, sur un ton pas particulièrement stressé, au contraire) :
Je peux vous dire qu’Isolabella est venu à Paris assister à mon procès, le procès, même si j'étais en tort, en tort, pour être...

Parce que là, c’est oui ou c’est non, d'abord ils m’ont saisi, encore à moi… alors j’ai changé six des jurés, parce que j’avais le droit, s’ils ne me plaisaient pas, de les changer

J'avais une batterie d'avocats... ah, comment mon avocat s’appelait-il donc ?... il avait trouvé... puis j'ai été mis en probation
(sursis avec mise à l’épreuve, je suppose), pendant un an et demi, donc c’est à partir de là que nous avons commencé, et je dois dire que je les ai bien eus, vraiment génial, plus une vingtaine de témoins, et d’autres personnalités publiques importantes, le parquet avait demandé cinq ans et demi, mais j'étais sûr de gagner, j'en étais plus que sûr, attendez, laissez-moi visualiser (la scène), maintenant on demande aux jurés qui se sont, on demande aux jurés de se retirer et de répondre sur trois points :
  1. Y a-t-il eu un acte volontaire de la part de Monsieur le prince de Savoie? 
  2. Monsieur le prince de Savoie est-il responsable de la mort (de Dirk Hamer)?
  3. Monsieur le prince de Savoie avait-il oui ou non une arme à feu ?
Ils se sont retirés, et deux heures plus tard ils sont revenus ... impressionnant
  1. Premier point : « Aucun acte volontaire de la part de Monsieur le prince de Savoie » 
  2. Deuxième point: « Monsieur le prince de Savoie n'est pas responsable de la mort de l'allemand » 
  3. Troisième point: « Oui, il avait une carabine datant d’avant-guerre »... 
Condamné à six mois avec sursis. Six mois : il y avait une amnistie, ils l’ont même pas transcrit (sur mon casier) ! 
- (rigolade) – 
Je suis sorti de là, vraiment génial ! Non, parce que…

J'ai tiré deux coups de fusil, un comme ça et l'autre vers le bas, mais le coup est parti dans cette direction, il est parti là et l'a touché à la jambe (incompréhensible)... en passant à travers la coque.

Et d’ailleurs, je sais pas si quelqu’un a fait le service
(militaire), avez-vous fait le service quand il y avait les … anglais, carabine, OK, cartouche calibre 30/03, 30/03, (crosse) en bois

Alors, il est où, ce whisky ?
- en 2011, après presque cinq ans d'attente, la sœur de Dirk Hamer finit par obtenir des autorités compétentes, par les voies judiciaires ordinaires et de façon tout à fait légitime, la vidéo intacte d'une durée de 6'24" où sont enregistrés sons et images de ladite déclaration.
- 33 ans séparent la mort de Dirk Hamer et la mise à disposition de la vidéo sur Internet.

Ça ce sont les faits. Nus et durs.
* * *
Lorsque, pour la première fois, l'enregistrement audio ci-dessus (mais pas la vidéo) a été publié par la presse italienne en 2006, le prince a immédiatement contre-attaqué dans deux directions : la manipulation de l'info par la publication de fragments de phrases extrapolées d'un contexte plus ample, et le manque de lucidité et de sérénité dont il souffrait à cause de sa détention.

Ce dont témoignent parfaitement les déclarations de son avocate de l'époque, Giulia Bongiorno, qui dit en deux occasions : « ce ne sont que des petits fragments extrapolés de contextes bien plus amples » (Sono solo piccoli frammenti estrapolati da contesti molto più ampi), et « je tiens à souligner que durant sa détention Victor-Emmanuel n'était nullement lucide ni serein » (Vorrei far presente che nei giorni della sua detenzione Vittorio Emanuele non era per nulla lucido e sereno).

La femme du prince, Marina Doria, rend également une déclaration semblable, comme le précise cette note de l'Ambassade de France, datée du 13 septembre 2006, intitulée « Signalé dans la presse italienne » :
« Vittorio Emanuele de Savoie évoque la tragédie survenue il y a vingt-huit ans sur l’île de Cavallo : "Je n’ai pas tué Hamer, la preuve est le projectile" » (Federica Cavadini, Corriere) : « L’épouse du prince, Marina Doria, s’exprime pour son mari : "des bouts de phrases prononcées par mon époux ont été assemblées pour le confondre" ».
Elle ajoute du reste : « Il est impossible que mon mari ait dit ça, parce qu'il est innocent. Pourquoi ont-ils assemblés ces fragments ? Ce n'est pas à nous qu'il faut le demander ». (E' impossibile che mio marito l'abbia detto, perché è innocente. Perché hanno messo insieme quei frammenti? Non lo chieda a noi.)

Par ailleurs, sur la teneur des mots interceptés dans l'enregistrement, les défenseurs du prince, les avocats Sergio Calvetti et Francesco Murgia, déclarent même : « Cette phrase n'a jamais été prononcée » (Quella frase non è stata mai pronunciata), à propos de « J'avais tort et je les ai eus. J'étais sûr de gagner » (Avevo torto e li ho fregati. Ero sicuro di vincere).

Dans ce cas, il est vrai que cette phrase précise n'a jamais été prononcée telle quelle, et que ce sont effectivement trois bouts de phrase assemblés, mais il ne me semble pas que la teneur diffère fondamentalement du message qui passe en voyant l'intégralité de la vidéo, retranscrit ci-dessus.

Quant à Birgit Hamer, elle nous dit dans le livre que Paul Lombard et les défenseurs français du prince réitérèrent son innocence en soutenant la même thèse, à savoir que le prince avait parlé dans un état d'incapacité provoqué par l'administration de médicaments (Ovviamente i legali della controparte, soprattutto Paul Lombard, sostengono che il principe abbia parlato in stato di incapacità d’intendere e di volere determinata dall’assunzione di alcuni farmaci, e ribadiscono l’innocenza del loro assistito).

Il est vrai que, parfois, le mélange alcool-médicaments ne fait pas bon ménage (Alors, il est où, ce whisky ?)...
* * *
Mais passons, pour en arriver à la note princière (traduite en début de billet), où la stratégie d'attaque est exactement la même que celle qui a fait florès en 2006 : à la différence que cette fois le prince parle de vidéo artificieusement montée, et qu'il renchérit avec "les doses importantes de sédatif administrées" pour justifier son "grave état de confusion".

Il est vrai que le prince était tellement confus qu'à la sortie de sa semaine de prison, toujours en 2006, et sachant probablement qu'il était sur écoutes, il eut pour ses auditeurs une pensée pleine de gentillesse en s'adressant à son interlocuteur au téléphone : « Ce sont de pauvres individus, des envieux, des salauds, pense à ces connards qui sont en train de nous écouter, ils sont morts de faim, ils ont pas un centime, ils sont obligés de nous écouter toute la journée pendant que leur femme les fait probablement cocus... » (Sono dei poveretti, degli invidiosi, degli stronzi, pensa a quei coglioni che ci stanno ascoltando... morti di fame, non hanno un soldo, devono rimanere tutta la giornata ad ascoltare mentre probabilmente la moglie gli fa le corna)...

Au point de faire dire au magistrat de Potenza chargé de l'enquête préliminaire, Rocco Pavese, que ces déclarations démontrent tout le « cynisme et le mépris pour une enquête judiciaire légitime » (cinismo e disprezzo per la legittima attività investigativa e giurisdizionale). Autant vous dire que l'info a été reprise en boucle dans la presse et les médias...

Dans le même article que celui signalé par l'Ambassade de France, la femme du prince est bien sûr d'un avis opposé, et revient sur ces douces pensées royales : « Mon mari admet qu'il a eu ces mots et il s'en excuse, mais il les a eus dans un moment de dépression et de rage, probablement avait-il bu un verre de trop. Il a beaucoup souffert pendant sa détention en résidence surveillée ». (Mio marito ammette di aver detto quelle cose e se ne scusa, è stato un momento di depressione, di rabbia, avrà bevuto un bicchiere di troppo. Ha sofferto molto agli arresti domiciliari.)

Cela explique tout, donc. Pourtant, en 2011, alors que se dessine la même stratégie puissante d'attaque et d'intimidation préventive, on pourrait faire au prince plusieurs objections sur sa note :

1. Sur la "tentative maladroite" de relancer des "faits déjà tirés au clair depuis des années" pour lesquels le prince a été définitivement acquitté, j'ignore si la tentative est maladroite, mais le fait est qu'en faisant ses déclarations spontanées à ses compagnons de cellule, c'est le prince lui-même qui contredit seul ce qu'il a soutenu lors d'un jugement 15 ans auparavant, lui seul et personne d'autre. Donc si quelqu'un répète ce que lui-même a dit, de façon évidente et sans équivoque - la vidéo en est la preuve -, doit-on croire que le prince se diffamerait lui-même s'il accusait de diffamation ceux qui se contentent de répéter ses propos sans qu'ils n'aient jamais eu la moindre responsabilité dans la teneur desdits ?

2. Sur la soi-disant pratique journalistique "à retardement", suffit-il de rappeler que Birgit Hamer a dû attendre près de cinq ans pour recevoir la vidéo ? Par conséquent, si retardement il y a, c'est indubitablement indépendant de la volonté de Mme Hamer et uniquement dû aux longueurs de la procédure nécessaire à son obtention, mais certainement pas aux raisons invoquées par le prince dans le but prétendu de noircir son Altesse. Il y parvient fort bien tout seul par ses déclarations...

3. Sur le fait que la vidéo n'ajoute pas une virgule au texte des enregistrements précédemment retranscrits, c'est clair : le message n'a pas changé. Par contre la vidéo permet très précisément d'appréhender l'unité de temps et de lieu du contexte global, et de comprendre d'un seul coup d'œil que les déclarations sont spontanées (pas de pistolet sur la tempe pour le faire parler), autonomes, et sans aucune dilatation temporelle : le tout ne dure pas plus de 6'24".

Quant à la confusion que justifierait l'absorption de "doses importantes de sédatif" (et de whisky ?), elle est toute relative, puisque le prince semble manifester bien peu de confusion lorsqu'il parle de son procès, dès lors que l'évocation qu'il en fait correspond précisément au déroulement du jugement (les jurés récusés et le défilé des témoins, les questions posées aux jurés, etc.) et à son issue ("six mois avec sursis", ponctué d'une rigolade et d'un "j'en suis sorti, vraiment génial", qui prêtent peu à équivoque). Or être confus, ce serait l'être pour tout... Piqûre de rappel :
Je peux vous dire qu’Isolabella est venu à Paris assister à mon procès, le procès, même si j'étais en tort, en tort, pour être...

Parce que là, c’est oui ou c’est non, d'abord ils m’ont saisi, encore à moi… alors j’ai changé six des jurés, parce que j’avais le droit, s’ils ne me plaisaient pas, de les changer

J'avais une batterie d'avocats... ah, comment mon avocat s’appelait-il donc ?... il avait trouvé... puis j'ai été mis en probation
(sursis avec mise à l’épreuve, je suppose), pendant un an et demi, donc c’est à partir de là que nous avons commencé, et je dois dire que je les ai bien eus, vraiment génial, plus une vingtaine de témoins, et d’autres personnalités publiques importantes, le parquet avait demandé cinq ans et demi, mais j'étais sûr de gagner, j'en étais plus que sûr, attendez, laissez-moi visualiser (la scène), maintenant on demande aux jurés qui se sont, on demande aux jurés de se retirer et de répondre sur trois points :
  1. Y a-t-il eu un acte volontaire de la part de Monsieur le prince de Savoie? 
  2. Monsieur le prince de Savoie est-il responsable de la mort (de Dirk Hamer)?
  3. Monsieur le prince de Savoie avait-il oui ou non une arme à feu ?
Ils se sont retirés, et deux heures plus tard ils sont revenus ... impressionnant
  1. Premier point : « Aucun acte volontaire de la part de Monsieur le prince de Savoie » 
  2. Deuxième point: « Monsieur le prince de Savoie n'est pas responsable de la mort de l'allemand » 
  3. Troisième point: « Oui, il avait une carabine datant d’avant-guerre »... 
Condamné à six mois avec sursis. Six mois : il y avait une amnistie, ils l’ont même pas transcrit (sur mon casier) ! 
- (rigolade) – 
Je suis sorti de là, vraiment génial ! Non, parce que…

J'ai tiré deux coups de fusil, un comme ça et l'autre vers le bas, mais le coup est parti dans cette direction, il est parti là et l'a touché à la jambe (incompréhensible)... en passant à travers la coque.

Et d’ailleurs, je sais pas si quelqu’un a fait le service
(militaire), avez-vous fait le service quand il y avait les … anglais, carabine, OK, cartouche calibre 30/03, 30/03, (crosse) en bois

Alors, il est où, ce whisky ?
4. Sur les phrases déconnectées les unes des autres, entrecoupées de longues parties où s'alternent pauses et mots incompréhensibles, "ce qui rend impossible de lier les différents tronçons entre eux pour faire croire à la thèse de l'admission de culpabilité", à la rigueur c'est un argument qui pouvait être soutenu en 2006, justement en l'absence d'une unité tangible de temps et de lieu qui permit alors au prince et à ses défenseurs de prétendre qu'il y eut un assemblage artificieux de phrases hors contexte pour confondre les idées. L'élément de nouveauté qu'amène la vidéo est justement qu'il n'est plus possible d'affirmer cela aujourd'hui. Sauf à étayer les affirmations du prince et de ses défenseurs en démontrant qu'il y aurait eu manipulation audio et/ou vidéo du message.

5. Sur le montage artificieusement réalisé pour coller 7 tronçons différents afin de tenter de donner un sens achevé aux phrases prononcées, "Il Fatto Quoditiano" a clairement répondu en disant que le prince avait basé son raisonnement sur des extraits de la vidéo intégrale, bien que l'intégralité de celle-ci fût clairement signalée dans l'article. Pour autant, publier une note officielle de cette teneur ne devrait pas se faire à la légère, en accusant d'emblée le journal d'avoir procédé à un montage artificieux de la vidéo. Car de fait, comme l'observe la sœur de Dirk, il s'agit là d'accusations d'une extrême gravité : « Si le Savoie veut accuser les magistrats de Potenza d'avoir falsifié le film, qu'il le dise ouvertement... ».

6. Sur la publication d'infos journalistiques visant à accréditer des faits qui ne sont pas vrais, quels sont donc les "faits publiés qui ne sont pas vrais" ? La seule chose publiée est la vidéo ? Donc la vidéo serait fausse ? L'enregistrement audio et/ou vidéo aurait été manipulé ? Des fragments assemblés hors contexte ? Des "non" auraient été supprimés pour modifier les affirmations négatives en positives, ou vice-versa ? Par qui ? Par les magistrats de Potenza ? Et pourquoi donc ? Qui est-ce qui affirme : « J'ai tiré deux coups de fusil, un comme ça et l'autre vers le bas, mais le coup est parti dans cette direction, il est parti là et l'a touché à la jambe... » ?

Et comment doit-on interpréter cette phrase, et les autres (le procès, même si j'étais en tort, en tort... J'avais une batterie d'avocats... je dois dire que je les ai bien eus, vraiment génial, ... mais j'étais sûr de gagner, j'en étais plus que sûr, ...) ? Comme des aveux, des déclarations spontanées, des mensonges, des vérités, ou encore quelques paroles sans aucune importance au motif qu'elles auraient été prononcées par un incapable d'agir ? Ou bien devrait-on considérer les mots prononcés "nuls et non avenus" ? Et si oui, pourquoi donc ?

7. Sur la difficulté de comprendre dans quel but relancer une telle histoire "désuette et clarifiée", serait-il ingénu de croire qu'un journal qui professe comme ligne éditoriale la Constitution italienne et se bat quotidiennement contre la corruption et le mensonge, endémiques en Italie, s'attache également, d'une manière générale, à la vérité des faits ? Quand bien même la chose pourrait paraître secondaire à quelqu'un qui, en 1994, lorsqu'il lui fut demandé s'il était prêt à jurer fidélité à la Constitution républicaine pour pouvoir rentrer en Italie, se contenta de rétorquer : « Non, je ne veux pas répondre à cette question. C'est une connerie ! » (Nel 1994, quando gli fu chiesto se fosse disposto a giurare fedeltà alla Costituzione repubblicana per tornare in Italia, lui rispose: “No. Non voglio rispondere a questa domanda. È una cazzata!). Bon prince...

8. Enfin, sur la reconnaissance de culpabilité pour les événements mentionnés, sur le rétablissement de la vérité des faits, si nécessaire, et sur la nécessité de protéger le prince innocent contre les diffamations de ceux qui citent de façon arbitraire les jugements comme des vérités, peut-être vaudrait-il la peine de conclure en voyant quelles sont les seules "vérités" restées irréfutables dans cette histoire :

- en août 1978, un jeune homme de 19 ans, Dirk Hamer, est blessé à l'aine par le tir d'une arme à feu ; il meurt des suites de sa blessure en décembre de la même année ;
- la justice française n'a jamais pu identifier ni condamner le coupable ayant tiré ;
- par un beau jour de juin 2006, un homme déclare spontanément à ses compagnons de cellule dans la prison de Potenza que c'est lui qui a tiré deux coups de fusil, dont l'un a touché Dirk Hamer à la jambe.

Cet homme, c'est vous, Victor Emmanuel Albert Charles Théodore Humbert Boniface Amédée Damien Bernardin Janvier Marie de Savoie.

Aucun jugement n'est cité. Juste une vidéo de 6'24", nue et crue, publiée le 24 février 2011 sur le site du "Fatto quotidiano", 33 ans après "les événements tragiques ayant conduit à la triste disparition du jeune Dirk Hamer", qui en témoigne de façon évidente et sans équivoque. Est-ce diffamer la vérité que de dire cela ? Ou, tout simplement, est-ce dire la vérité ? Et encore, est-ce offenser l'honneur et la réputation d'un homme que de dire la vérité ?

La question est posée.

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